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traditions esthétiques a réglé la pompe… Que notre Panthéon est froid !

La foule s’est rassemblée et, venue de toutes les parties de l’univers, — les plus nombreux, les Français, — elle se range dans un ordre parfait. La nef est pleine, le transept est bondé ; l’assistance déborde le lieu immense. Seul l’espace réservé entre l’autel et l’abside reste vide ; il attend les acteurs de la cérémonie, le Pape, les Cardinaux, les évêques, la Cour pontificale. Dans cet arrière-chœur sont dressées, à droite et à gauche, les tribunes, celle des princes, celle du représentant de la France et de ses invités, celle des parlementaires français, celle du corps diplomatique, celle de la famille de Jeanne d’Arc, celle des assistants qualifiés. La porte de Saint-Pierre donnant sur la place du Bernin s’est fermée. D’immenses voiles de pourpre tombent du haut des piliers jusqu’à terre. La lumière du dehors pénètre à peine ; une illumination intérieure d’une richesse incomparable voile la clarté de ce jour resplendissant.

On attend ; Car la cérémonie a commencé hors de l’enceinte. Le Pape est encore dans la Chapelle Sixtine. Là, entouré des dignitaires de la Cour pontificale, il s’est préparé au rôle qu’il va remplir, d’intermédiaire entre l’humanité et la divinité. Il prie. Se relevant, il a entonné l’Ave Maris Stella et, revêtu des vêtements pontificaux, la tiare en tête, il s’est assis sur la Sedia gestatoria. Des hommes vigoureux, en habit de damas rouge, soulèvent la Sedia sur leurs épaules ; d’autres déploient le dais au-dessus de la tête du Pape ; d’autres agitent les grands éventails de plumes nommés flabelli qui évoquent les souvenirs de la pompe orientale. Le cortège s’ébranle, tandis que les prières et les chants s’élèvent, accompagnant, précédant et accueillant la procession qui se dirige, par les couloirs intérieurs, vers la basilique.

Les échos, les murmures, les exclamations étouffées se répandent, grandissent, gagnent la nef entière que les chants de la Chapelle Sixtine emplissent profondément. C’est le cortège. Il avance, développe ses premières ondes, coule comme un fleuve de bure, d’or et de pourpre : le clergé régulier, le clergé séculier, la Cour pontificale, la vague rouge des cardinaux. Vêtu de noir, le Prince assistant au trône accompagne le Pape, veillant sur lui ; tout autour, le grand écuyer, les camériers, la garde noble, la garde suisse, la gardé palatine ; les’ massiers, défilent, tous