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tournez les pages. Vous escomptez déjà des trouvailles sensationnelles. Et puis, tout à coup, le journal s’arrête devant une grande feuille blanche : Interrompu le 10 mars, pour cause de départ. Le capitaine Cloris dut quitter, le cœur bien gros, sa basilique à demi déterrée.

L’anecdote la plus émouvante que je connaisse sur cette période militaire de l’archéologie africaine est celle du colonel (depuis général) Carbuccia : elle est rapportée en particulier par Gustave Boissière, dans son livre sur L’Algérie romaine, et je m’en voudrais de ne pas la citer ici.

On raconte donc que ce colonel, arrivant à Lambèse, aperçut, dans le voisinage de l’ancien camp romain, le mausolée en ruines d’un préfet de la IIIe Légion, Quintus Flavius Maximus. Il ordonna qu’on relevât l’édicule, puis, à la tête de son régiment, il défila devant le tombeau de cet antique frère d’armes et fit rendre les honneurs militaires à ce soldat de Rome par les soldats de la France. J’ignore ce que fut et ce que devint le général Carbuccia. Mais il sied de l’admirer pour ce seul fait. Son acte revêt une haute signification historique. Il n’est sans doute pas le premier officier français qui ait eu, en Afrique, devant une ruine romaine, le sentiment de la continuité latine. D’autres, avant lui, avaient certainement entrevu, dans ces vénérables débris, nos titres de noblesse et de premiers occupants de la terre. Mais ce Corse, en se proclamant, devant le mausolée de Flavius Maximus, l’héritier et le successeur du Romain, a véritablement renoué l’histoire interrompue. Comme le moderne César, son compatriote, il a revendiqué pour les Gaules l’héritage latin à l’abandon.


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Tout autant que l’armée, le clergé d’Afrique avait intérêt à relever ces ruines, ou à les préserver de la destruction totale. Lui aussi, eh fouillant le sol, il renouait une glorieuse et pieuse tradition.

Il n’avait qu’à ouvrir l’histoire ecclésiastique, les procès-verbaux des conciles, pour y retrouver, avec la nomenclature, la liste à peu près complète des évêchés africains, lesquels se comptaient par centaines. Les décombres des basiliques, des chapelles, des « memoriæ » consacrées aux martyrs, les nécropoles et les hypogées contenant les os de tout un peuple de