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baptisés, rappelaient éloquemment que l’Afrique fut une terre du Christ. Partout émergeaient des stèles funéraires qui portaient avec l’ « in pace » rituel, les croix monogrammatiques, les colombes, les ancres et les palmes de la mystique chrétienne. De sorte que les successeurs d’Augustin et de Cyprien, en reprenant leur place dans les absides des basiliques écroulées, non loin des baptistères encore, tapissés de leurs mosaïques, pouvaient dire aux Africains d’aujourd’hui : « Voyez ces témoignages irrécusables. Pourquoi nous acharner à nous combattre ? Vos ancêtres ont été les frères des nôtres. Ils ont partagé leur foi. Pourquoi donc parler d’un abîme entre nos âmes, accumuler de beaux raisonnements scientifiques pour démontrer qu’elles sont mutuellement impénétrables, et dresser enfin l’un contre l’autre, comme deux termes irréductibles, l’esprit sémitique et l’esprit gréco-latin ? Regardez la face de votre terre : elle suffit à démentir toutes ces arguties. En vérité, vous avez rompu avec nous le même Pain, vous avez bu au même Calice. Vous aussi vous êtes descendus dans la cuve baptismale. Et vous vous êtes laissé enchanter par les mêmes poètes et les mêmes orateurs. Vous avez dédié des statues à la gloire d’Apulée, le philosophe platonicien, et des basiliques à la mémoire de Cyprien, le martyr du Christ. Vous avez battu des mains aux sermons d’Augustin de Thagaste. Pourquoi donc nous haïr et nous séparer ? Reconstruisez avec nous le temple renversé, refaites l’œuvre de vos pères. La porte est toujours ouverte pour les catéchumènes. Le sacrifice continue !… »

Personne n’a eu comme le cardinal Lavigerie le sentiment profond, la claire conscience de cette continuité catholique à maintenir. On peut dire que son seul but fut de refaire l’Afrique chrétienne, de l’agrandir, d’en reculer les limites, et, encore une fois, de continuer l’œuvre des Pères et des catéchistes africains. Sans doute le clergé d’Afrique n’avait p.is attendu son arrivée pour recueillir les vestiges des antiquités chrétiennes. Mais sous son impulsion omni-présente, on vit se multiplier partout, jusque dans les bourgades les plus lointaines, toute une génération de prêtres archéologues. Quelques-uns ont laissé un nom, comme l’abbé Delapart, curé de Tébessa, qui a sauvé une foule de débris appartenant à la Grande Basilique, l’abbé Saint-Gérand, curé de Tipasa, qui a exhumé le sanctuaire de sainte Salsa, l’abbé Giudicelli, curé du Kef, qui a déblayé