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empêcher les déprédations des passants, ou les ravages des intempéries.

Si l’on se décidait à faire cela, on pourrait, dans un très court espace de temps, offrir à la curiosité et à l’admiration, des voyageurs un ensemble de ruines antiques comme il n’en existe nulle part au monde, sauf peut-être en Égypte. Les villes d’or se succéderaient en une chaîne splendide, de Volubilis à Gigthi, — de la mer Atlandide au pays des Lotophages. Toutes les légendes et toutes les histoires, dont les Hellènes et les Latins, amis des beaux récits et des mythes, les couronnèrent, tout cela reprendrait une vie neuve pour nos imaginations occidentales. Les pommiers des Hespérides, la double colonne d’Hercule, les forêts de Mauritanie pleines d’éléphants et de thérébinthes, Atlas courbé sur sa montagne et soutenant la voûte étoilée sur ses vastes épaules, la fontaine miraculeuse et les sables d’Ammon ? Ulysse arrachant ses compagnons à l’ivresse du lotos qui fait oublier la patrie, toutes ces belles images mythiques rendraient à la terre africaine son nimbe de poésie. Nous la verrions avec les yeux des poètes et des historiens anciens, — et elle se révélerait à nous, telle que la représentaient les sculpteurs de Rome, — coiffée du modius, le boisseau de blé, symbole de sa fécondité, enveloppée d’ans la dépouille d’un de ses éléphants, et environnée de ses portiques, de ses temples, de ses dieux de marbre ou de bronze, de ses basiliques et de ses arcs triomphaux.


LOUIS BERTRAND.