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brésilien, l’ouverture d’un crédit de dix milliards 366 millions pour l’achat de céréales panifiables indigènes ou exotiques, les lignes de chemins de fer marocains, des centaines de millions d’emprunt pour l’Algérie et pour nos deux protectorats du Nord africain, que sais-je encore? Les rapporteurs se succédaient à la tribune, avec une rapidité qui déconcertait les esprits les plus attentifs et donnait à des discussions enchevêtrées une variété de kaléidoscope et une agitation de cinéma.

Encore n’ai-je pas cité, parmi les innombrables articles de cet ordre du jour surchargé, les objets les plus essentiels des débats qui devaient se terminer avant la séparation : le budget de 1920, que les automobiles ministérielles ont plusieurs fois transporté de la Chambre au Sénat, et réciproquement, dans ces heures de surmenage parlementaire; le traité de paix avec la Bulgarie, qui a passé presque inaperçu dans le brouhaha d’un entr’acte; le protocole de Spa et les avances à l’Allemagne, qui ont donné lieu, comme vous l’avait laissé pressentir ma dernière chronique, à des observations peu enthousiastes. Ajoutez à tout cela l’autorisation d’augmenter, pendant l’absence des Chambres, le nombre des billets de banque et d’émettre des rentes perpétuelles 6 pour 100; vous aurez une faible idée d’une séance qui s’est indéfiniment prolongée dans la trépidation et qui, aux approches de l’aurore, a laissé aux cerveaux les plus solides l’impression désagréable et persistante de la sursaturution.

Au milieu de cette éblouissante diversité, retenons cependant quelques points saillants. Une amnistie, proposée après l’élection présidentielle et votée par la Chambre après de longs délais, n’a pu être soumise au Sénat en temps utile et il se trouve ainsi que des mesures de clémence demandées par le gouvernement et admises par l’une des deux assemblées sont renvoyées à une époque indéterminée. Si cependant elles sont équitables, il est fâcheux de les ajourner, après les avoir fait espérer aux familles des condamnés; et si on les juge inopportunes ou prématurées, si l’on redoute qu’elles énervent la justice, pourquoi en avoir pris l’initiative? De telles contradictions sont fâcheuses et des deux extrémités du Sénat, MM. Debierre et Gaudin de Villaine se sont levés pour les regretter.

C’est dans la soirée du dernier jour que la Chambre a discuté l’emprunt et c’est après deux heures du matin que le Sénat en a été saisi. M. de Monzie, qui, pas plus que M. Doumer, ne connaît le sommeil, a exprimé spirituellement sa surprise d’une procédure aussi insolite et aussi capricieuse. On prétend, a-t-il dit, que nous sommes réunis cette nuit dans une séance de liquidation et, loin de