Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les modérés, représentés par le sénateur Lodge, prétendraient secouer leur joug.

La nouvelle, vite connue et répandue, a causé naturellement une extrême agitation avant l’ouverture de la Convention. Le plus clair de l’affaire est que, l’entente n’ayant pu se faire, le programme, qui devait être lu aujourd’hui, n’a pu être achevé. Toute la journée on attendra donc ce programme, et l’intérêt sera ailleurs. Pour passer le temps, Lodge, élu maintenant chairman permanent, donne successivement la parole aux doyens du parti, reconnus dans l’auditoire et réclamés par toute l’assemblée. Ceux-ci, poussés successivement vers la passerelle-tribune, se tirent d’affaire avec des discours humoristiques qui leur conquièrent, une fois de plus, le public et soulèvent ses acclamations.

Rien n’a été fait aujourd’hui dans la Convention. On sait bientôt que les débats se sont poursuivis passionnément au sein du Comité et sans plus de résultat.

Ce soir, l’avenue est plus animée, plus bruyante, plus éblouissante que jamais. Les groupes porteurs de pancartes : « Le pays veut Johnson, » « Je suis pour Lowden, » « C’est Wood qui gagne, » se croisent et recroisent derrière les musiques qui rivalisent de bruit. Un double orchestre est installé en permanence devant le Congress et joue sans arrêt.

Mais voici venir, à l’autre bout de l’avenue, une étrange lueur rouge dans un fracas de gongs, grosses caisses et cuivres. Un peu plus près, c’est d’abord une rangée d’immenses policemen montés, gigantesques statues équestres, qui se détachent, s’immobilisent parfois en ombres chinoises sur la vague de lumière qui déferle derrière, eux. Puis viennent des porteurs de torches électriques aux lueurs sanglantes, des hommes, femmes, jeunes filles, tous singulièrement, symboliquement costumés, Irlandais et « martyrs de la cause de l’Irlande. » Dans l’un des premiers automobiles, le « président de l’Irlande opprimée, » de Valera, debout, impassible, la face et le regard immuablement fixés vers le ciel, garde une attitude figée de Christ pour cinématographe. Pour le martyre, que ni « l’infernale Angleterre, » ni personne ne lui offre, il est évidemment prêt et recueille par avance les bravos. D’autres autos, où de gracieuses filles, décolletées et drapées à souhait, les bras et le corps entourés de gentilles cordelettes, figurent