touchée en faveur d’André Bermance, le vif enthousiasme de l’Alsace entrain de redevenir française a été l’un des éléments de ferveur exaltée. L’humble et banale histoire de ces amants se lie à l’histoire et aux événements les plus poignants de l’histoire qui nous est le plus chère : elle en reçoit une espèce de grandeur et de poésie. Mais ce qui lui confère encore une beauté, j’allais dire une chasteté exquise, est de nous apparaître au miroir de ces deux âmes adorablement pures, celle de la fiancée veuve et celle de la maman telle qu’une orpheline.
André Bermance n’est pas le héros du roman. Dès la première page, André est mort depuis quatre mois. Mais le roman pourrait s’appeler André Bermance, comme cette tragédie de Corneille qui porte le nom d’un personnage qu’on ne voit pas. Nous voyons Mme Bermance et Maria Ritzen : le souvenir d’André habite leurs âmes ; elles ne sont rien, ne disent rien, n’ont aucune pensée qui ne soit le souvenir d’André ou que le souvenir d’André ne motive. Mme Bermance n’est que la maman, Maria n’est que la fiancée. Nous ne connaissons pas André autrement que par elles, et moins par ce qu’elles en racontent que par ce qu’elles en ressentent, qui fait toute la péripétie du roman.
Si Maria était l’une de ces jeunes filles comme il y en a d’autres, son aventure ne serait que médiocre ; et l’on dirait : « La pauvre fille ! » voilà tout. Et le souvenir d’André Bermance, après que ces jeune homme n’est plus qu’un souvenir ici-bas, ne vaudrait pas beaucoup d’attention. Mais Maria, qui a tous les scrupules de la vraie jeune fille et qui pourtant reste si éprise que ses remords ne diminuent pas son autour, ne le profanent pas, Maria embellit et purifie le souvenir de son amant, le souvenir qui est tout ce qui survit d’André Bermance.
Et Mme Bermance, de son côté, si elle n’était qu’une pauvre femme qui pleure un fils et qui n’est sensible qu’à ce chagrin de la mort de son fils, peu lui compterait la faute qu’André a commise. André ne serait que l’un des garçons, par centaines de milliers, que les mamans de chez nous ont à pleurer, quelle que fût leur âme et qu’elle fût pécheresse ou non. Mais Mme Bermance est une catholique ; et, au chagrin que lui cause la mort de son fils, elle ajoute le souci de la mort qu’il a eue au regard de Dieu… Il y a, dans le roman de M. Henry Bordeaux, une autre mère catholique ; on ne fait que l’apercevoir : elle épouvante. C’est une paysanne de la Franche-Comté. Elle a su que son fils était à l’hôpital, en péril de mort. Elle est venue.