Pauvre feu ; éteint depuis si longtemps ! Il fumait si joliment qu’il eût mérité d’être le feu sacré des vestales, ou d’être allumé par des mains jolies, ou d’être activé par une bouche suave soufflant sur ses tisons. En réalité, rien de ce qui l’entourait n’était pétri de beauté ; tout était médiocre : il réchauffait deux pauvres vieux courbés et cassés. Ils moururent presque en même temps ; je vis de la fenêtre un surplis blanc passer derrière leur carreau ; une croix d’argent ; on emporta quelque chose de lourd, puis on ferma la porte ; et peu après, on démolit la maisonnette.
Tout autour, je voyais un fouillis d’arbres : troncs, branches, branchettes ; elles étaient innombrables, je ne pouvais les compter ; en haut, dans le ciel de coton, elles se subdivisaient à l’infini ; en bas, c’était des lianes de forêt vierge, noircies de lierre, tordues en dessins fantastiques, formes de lettres, formes d’hommes, hiéroglyphes naturels ; on les coupait périodiquement, ces branches hardies, et j’en ressentais de la peine ; mais elles repoussaient courageusement autour de leurs moignons et se faisaient un visage nouveau.
Pendant que je les dénombrais, en tambourinant sur la vitre, le soir venait, la lumière changeait ; les gros troncs verts, tachés de violet, devenaient uniformément bruns ; les détails disparaissaient et je voyais plus nettement la forme de lyre d’un grand vernis du Japon. C’était le favori des merles, de ces merles, insolents qui venaient au printemps dérober la graine de gazon, mettre le paillis en désordre et plus tard, manger carrément les raisins de la treille ! C’était là qu’ils chantaient le plus haut et le plus impertinemment, de toute l’audace de leur bec jaune !
Un soir, j’en entendis un, tout en haut de la plus haute branche, chanter, chanter ; il lançait des sous clairs et des appels magnifiques qui emplissaient le ciel ; il s’impatientait aussi » secouait ses plumes, et reprenait son chant de plus belle, il insistait, il s’épuisait. « Mais qu’a-t-il, qu’a-t-il donc ? » me demandais-je. Enfin, de très, très loin, arriva un son du même genre, quelque chose comme un écho, de son chant à lui. Alors, il lança un cri de triomphe, déploya ses grandes ailes noires, et partit dans le ciel vers le chant qui lui avait répondu.
Je supposai naturellement qu’il allait rejoindre sa petite merlette, et je notai que je répondais plus vite qu’elle, lorsqu’on m’appelait.
Derrière ce rideau de branches tourmentées, se dressait la