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dont l’apparition devait être singulièrement majestueuse, lorsqu’il surgissait au fond de l’hémicycle ou des embrasures du portique, entre les deux grandes colonnes qui, de loin, devaient se confondre avec les jambages du triple portail.

Sur la frise architravée dont se couronnait la colonnade inférieure, on a retrouvé les fragments d’une inscription ainsi conçue : Publius Marcius Quadratus, fils de Quintus, de la tribu Arnensis, flamine du divin Auguste, pontife de la colonie Julienne Carthaginoise, admis dans les cinq décuries par l’empereur Antonin-Auguste le Pieux, en l’honneur de son flaminat perpétuel a offert à sa patrie un théâtre, avec des basiliques, un portique et des xystes, une scène munie de rideaux et d’ornements de toute sorte, après avoir donné la sportule, le festin et les jeux gymniques.

Nous ne poserons pas la question indiscrète de savoir en quoi consistaient exactement le portique, les basiliques et les xystes dont parle l’inscription. Les archéologues en sont réduits à des conjectures ou gardent un silence prudent à ce sujet. De même, nous ne chercherons pas à deviner ce que pouvaient être « les ornements de toute sorte » qui embellissaient la scène et le théâtre : sans doute des stucages et des polychromies qui eussent alarmé notre goût, — et certainement des statues placées selon toute vraisemblance en avant de la colonnade. Nous soupçonnons que tout cela produisait un effet de bariolage, de surcharge et d’encombrement auquel les anciens étaient peut-être moins sensibles que nous. C’est pourquoi il ne faut pas trop pousser les restaurations des ruines, si nous ne voulons point être choqués, inquiétés dans notre religion de l’antique. Tout ce qui n’est que curieux ou singulier, tout ce qui n’intéresse que l’archéologue, tout ce qui n’est pas enfin de la grande beauté doit être laissé aux vitrines des musées. La ruine a le mérite de nous offrir une image en quelque sorte idéalisée de tout un art disparu, nettoyé de toutes ses taches, allégé de toutes ses tares, — le type d’un art réduit à ses éléments essentiels et permanents. Ne touchons pas trop à cette œuvre purificatrice des siècles.

Enfin ne nous extasions point sur le goût parfait de l’architecte, qui aurait choisi à dessein pour son théâtre le site de cette colline, d’où l’on domine une vaste étendue de paysage. Il est infiniment probable que cet endroit de la colline était le