les autorités complaisantes ou complices. Contre les agents municipaux, les sévérités se manifestent par des destitutions ; j’en note surtout en Alsace, en Franche-Comté, en Lorraine. Les rigueurs s’étendent parfois jusqu’aux administrateurs des départements : ainsi en est-il dans l’Allier, la Corrèze, la Drôme, l’Indre-et-Loire, l’Yonne, la Sarthe. Aux destitutions s’ajoutent les menaces de poursuite. Cependant, aux yeux de Merlin, la plus grande faiblesse est celle des juges. Le ministre se fait rendre compte des décisions, en homme à qui n’échappe aucun détail. Il note les compromissions, les indulgences, les ajournements, les pitiés. Par intervalles son courroux ne se contient plus. Un jour il écrit : « La justice se rend d’une façon scandaleuse dans le département du Jura. » Et un autre jour, parlant d’un jugement du tribunal de Strasbourg, il le qualifie de monstrueux.
On a menacé, destitué, poursuivi les protecteurs des prêtres. Quant aux prêtres eux-mêmes, les lois les enlacent au point de les garrotter. Pour détruire tout espoir, il faut maintenant propager les fausses maximes qui, en complétant la persécution, la coloreront de justice. Ici se déploie cette science funeste qui n’a approfondi le droit que pour le corrompre plus sûrement. Tout d’abord, le grand art est d’entretenir ou de réchauffer la profitable calomnie qui représente tout fanatique comme un artisan de complots contre la République, comme un suppôt du royalisme : donc, nulle liberté pour le prêtre parce qu’il est conspirateur ; et pourquoi est-il conspirateur ? parce qu’il est prêtre. Les philosophes du dix-huitième siècle, en leur humaine tolérance, ont proclamé que quiconque accuse doit prouver son accusation : désormais l’effort est d’introduire une pratique contraire et d’imposer au prêtre réfractaire la charge de prouver qu’il n’est pas déportable. Les mêmes philosophes se sont ingéniés à restreindre les sévérités, à vanter au contraire la clémence : une autre doctrine prévaut qui appelle justice une répartition uniforme des rigueurs. Le poison du sophisme étant ainsi dilué, on lancera contre les insermentés les gendarmes, les soldats, les gardes nationaux, tous bien avertis des dangers de la tiédeur. Dans le même temps, en chaque canton, on disciplinera pour la délation tout le vieux résidu jacobin ; car ce Merlin aime l’espionnage comme un mauvais prêtre l’inquisition, et on toutes violences il se complaît, hormis peut-être celles qui tuent.