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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/868

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d’incohérence. Alors que nous renoncions à la construction de navires ayant une valeur militaire sérieuse, nous construisions plus de six cents unités de patrouille. A quoi était destinée cette flotte ? A protéger des navires marchands alliés ou neutres. On ne nous accordait pas une tôle pour la reconstitution de notre marine marchande, qui a perdu 921 000 tonnes pendant la guerre par suite des torpillages ; mais l’Etat-major de la marine accaparait toutes les cales des chantiers pour la construction d’unités de patrouilles vouées à la protection des navires des autres ! Est-il admissible que, si nous n’avions ni tôles, ni ouvriers pour nos bâtiments de commerce, nous en ayons trouvé pour achever de pareilles unités, qui figurent encore au budget extraordinaire pour 36 millions ?

En dehors des constructions de petites unités dont nous venons de parler, et qui absorbent 17 millions au chapitre 52, et 36 millions au budget extraordinaire, l’amirauté a renoncé à toute espèce de construction. Faute de mieux, le service technique de la marine militaire a accepté la construction de bâtiments marchands. Certes, il est bon de donner du travail à nos arsenaux, mais il ne faudrait pas qu’à la faveur de ces commandes, la Marine se dérobât au devoir de réduire ses dépenses. Il s’agit de savoir si le département de la Marine a l’intention de se transformer en chantier de construction commerciale (et alors pourquoi ne pas le passer au Sous-Secrétariat d’Etat de la rue de Boccador ? ), ou s’il désire se consacrer exclusivement à sa tâche militaire. Nous nous refusons pour notre part à approuver cette politique de concurrence aux chantiers privés, dans la seule intention de donner une vie factice à des arsenaux périmés.

La Marine, qui ne construit pas, peut-elle du moins se flatter d’avoir un plan d’armement conforme aux besoins de la France ? Non, évidemment. Il est facile de s’apercevoir que la flotte française ne peut généralement mettre en ligne, quel que soit d’ailleurs le type du navire envisagé, que des unités inférieures à celles des autres puissances. Et ces unités sont en nombre trop restreint. Prenons d’abord les cuirassés. La France n’en possède que sept dignes de ce nom, dont trois seulement sont armés de pièces de 340 millimètres. Or, ce calibre est déjà insuffisant, puisque dix navires anglais en possèdent déjà de 381 millimètres, et que les Américains ont en