l’industrie : il faut ajouter que le commerce extérieur et les transports sont en grande partie entre leurs mains : rien de ce qui présente un caractère international n’échappe à leur contrôle. J’ai été frappé, au cours de mon voyage en Galicie, de constater que non seulement chaque bourg, chaque village a ses juifs, petits artisans, boutiquiers, usuriers ; mais que, dans les maisons polonaises les plus aristocratiques, à la ville ou aux champs, il n’est pas rare de trouver les fonctions d’intendant, de maître d’hôtel ou de factotum remplies par un juif ; on méprise les Juifs, mais on ne laisse pas d’utiliser leur savoir-faire. Enfin, certaines traditions subsistent, même en Posnanie, qui sont tout à l’avantage des israélites. Par exemple, il ne viendrait pas à l’idée d’un Polonais que les œufs pussent être vendus, en gros ou en détail, par d’autres que par les Juifs. Tous les moulins de Posnanie sont demeurés aux mains des israélites ; on dirait que la minoterie, industrie lucrative, n’est point à l’usage des chrétiens.
Les experts les plus compétents reconnaissent que le boycottage n’a pas amélioré beaucoup la situation économique, tandis qu’il a grandement contribué à exaspérer les jalousies et les haines entre chrétiens et israélites. Aussi recommandent-ils d’abandonner ce moyen et de recourir à celui qui a donné de si bons résultats en Roumanie : la coopération. Le jour où les producteurs, grands et petits, méthodiquement groupés, pourront entrer en relations directes avec les consommateurs, également organisés, et avec la grande exportation, les intermédiaires auront la vie très dure en Pologne. Comme la politique du gouvernement, pour des raisons toutes différentes, tend soit à établir des rapports directs entre la production et la consommation, soit à réserver la fonction d’intermédiaire à l’Etat, on peut espérer que cette nouvelle tactique produira quelques bons effets. Le mouvement coopératif m’a paru être très actif dans l’ancien Royaume : il est soutenu par plusieurs périodiques bien faits, dont le plus important est le Solidarisme.
Si l’inconvénient économique pouvait être écarté, resterait encore le danger politique, qui est assurément le plus grave. Les Polonais ne s’en étaient pis inquiétés, tant qu’ils n’avaient eu affaire qu’aux Juifs de Pologne : dans les classes éclairées, l’assimilation allait son train, et la masse ignorante ne semblait pas redoutable. Mais au cours des trente dernières années, trois