Romains et l’étendue de leur domination ; mais il n’y avait aucun lien qui les rattachât à la ville de Rome. Chez vous l’action du centre aux extrémités et des extrémités au centre se fait sentir sans cesse ; vous vivez trente-deux millions d’hommes tous ensemble, comme s’ils étaient dans la place publique. Et ne croyez pas que les communes se renferment dans leur individualité ; elles portent, au contraire, continuellement leurs regards vers la capitale. Ce qui intéresse le plus dans les provinces, c’est Paris ; elles ne voient que Paris ; elles y vivent, nous entendent nous-mêmes à cette tribune, nous jugent, nous condamnent et nous approuvent aussi bien que Paris même. Grâce à cet état singulier et nouveau, la France tout entière vit, pense, se meut par une même impulsion. Les provinces ont leur part comme Paris à cette vie… Et c’est ce beau phénomène qu’on voudrait détruire ! Non, messieurs, vous n’y consentirez jamais. Pour moi, j’y résisterai toujours de toutes les forces de mon âme ! »
Voilà, au moins, un centralisateur ! Pour lui, la centralisation n’a pas seulement l’ascendant d’une nécessité ; elle a le charme d’un poème.
Et que dit la liberté à tout cela ? Elle dit qu’on ne songe pas à elle. Il ne faut pas qu’elle le dise. On veut qu’elle subsiste, et elle subsiste. Elle subsiste sous une autre forme. La Révolution a déplacé la souveraineté ; elle a déplacé aussi, mais seulement déplacé la liberté. Autrefois, c’est vrai, il y avait des libertés locales, des libertés provinciales, des libertés de corporations, des libertés de groupes, mal protégées, du reste, mais enfin il y avait, et beaucoup, de ces libertés-là. C’étaient proprement une foule de petites chartes, accordées ou conquises, qui assuraient les droits d’un certain nombre de collectivités. La Révolution a opéré un déplacement ; elle a « remplacé les libertés par la liberté ; » elle a remplacé les chartes par la Charte ; elle a, ici encore, universalisé et centralisé ; elle a universalisé la liberté et en a centralisé l’exercice. Le groupe n’est pas libre, la ville n’est pas libre, la province n’est pas libre ; mais toute la France l’est. Elle l’est parce qu’elle nomme des représentants qui fixent l’impôt, et devant qui les ministres sont responsables. Eux seuls le sont, mais il suffit, du moment qu’on peut les renverser, ce qui revient à dire qu’on les nomme. La France n’est libre que là, à sa Chambre des députés, mais il