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instructions pour que la limite constitutionnelle fût respectée.

La nuit venait. Le lendemain, 2 thermidor, l’un des inspecteurs des Cinq-Cents, le représentant Aubry, confirma ce que la rumeur publique avait déjà ébruité, c’est-à-dire la marche des troupes ; puis il dénonça la Constitution violée. Aussitôt un message fut voté qui demandait au Directoire des éclaircissements. Vers la fin de la séance, la réponse arriva. Le gouvernement attribuait l’erreur de direction à la méprise d’un commissaire des guerres. Une incrédulité dédaigneuse accueillit ces paroles. Une commission fut nommée qui aurait pour mandat de percer le mystère. Derechef, on réclama des explications. Les voix montaient. Un représentant proposa qu’aux inspecteurs de la salle fussent adjoints les généraux Pichegru et Willot. « Qu’on y adjoigne pareillement le général Jourdan, » répliqua un représentant de la gauche. Le 4 thermidor, arriva du Luxembourg un nouveau message, qui rééditait les mêmes justifications. Pichegru se chargea de clôturer le misérable débat : « Il est entendu, dit-il avec une ironie hautaine, que le ministère de la Guerre ne sait rien, que le Directoire ne sait rien non plus. Mais alors, quel est ce pouvoir occulte qui fait mouvoir à son gré les armées ? »

Pendant ce temps, que se passait-il au Luxembourg ? Hoche, qui était arrivé à Paris, fut appelé. Carnot était encore président du Directoire. Il se sentait dupé aussi bien que les Conseils, et en péril aussi bien qu’eux. Avec une dureté menaçante, il interrogea le général. Celui-ci consultait du regard l’homme qui, ayant donné des ordres, pouvait d’un mot le justifier. Barras étala sa lâcheté. L’entreprise ayant échoué, il se tut et laissa se débattre à ses risques le chef militaire qu’il avait compromis. Maltraité par Carnot, abandonné par Barras, médiocrement consolé par quelques paroles émollientes de La Réveillière, Hoche exaspéré quitta Paris, déclina le ministère, regagna son armée, et ainsi finit en mystification le premier essai de coup d’État


VII

Au lieu de frapper ses ennemis, le Directoire n’avait réussi qu’à les avertir. Il fallait, ou se résigner à vivre avec les Conseils, ou reprendre de toutes pièces l’entreprise. Barras, suivi de