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pourrait dans l’avenir invoquer son ignorance ou se dérober. Les cercles constitutionnels, créés à l’imitation du club de Salm, étaient des foyers d’opposition contre les Conseils ; il fut décidé que provisoirement « toute société particulière s’occupant de questions politiques serait interdite. » Une loi fut rendue qui réorganisa la garde nationale en y fortifiant les éléments d’ordre. Enfin, les inspecteurs de la salle entreprirent de refondre et d’épurer la garde des Conseils.

En dépit de ces mesures, il fut bientôt visible que la force ne se fixerait point là où résidait le droit.

Je doute qu’en aucune assemblée française on ait rencontré un plus grand amour du bien public que dans le Corps législatif de 1797. Peu d’esprits tout à fait supérieurs ; en revanche, un rare ensemble de savoir et de sagesse, de patriotisme et de probité. Vis à vis d’adversaires sans scrupules, ces qualités mêmes pourraient devenir faiblesse. Pour ces hommes de droiture, l’honneur avait son code, la loi son prestige, l’humanité ses règles. Ainsi couraient-ils le risque d’être distancés par ceux dont les vices étaient sans alliage et qui, dans leur course au succès, n’étaient alourdis par aucun bagage de vertu. Une autre infériorité naissait de la composition même des Conseils La majorité, quoique réelle, se formait d’éléments très divers, depuis Thibaudeau et ses amis qui n’avaient point perdu contact avec le Directoire, jusqu’aux hommes d’extrême droite, — en très petit nombre d’ailleurs, — qui, comme le général Willot, regardaient déjà vers la royauté. Dans les deux assemblées elles-mêmes, l’état d’esprit n’était pas tout à fait pareil, les Anciens se piquant d’opposer leur calme à l’ardeur qui emportait parfois les Cinq-Cents. De là, à l’heure des résolutions, une funeste abondance d’avis contradictoires. Le pire était que, pour satisfaire tout le monde, on s’arrêtait en général à des déclarations équivoques, à la fois comminatoires et débonnaires. Il arriverait donc que les Conseils déploieraient assez d’audace pour qu’on les dît provocateurs et point assez de force agissante pour intimider leurs ennemis.

Un surcroît d’embarras résidait dans la Constitution elle-même. Au lieu de ménager les moyens pour apaiser les conflits, elle n’offrait que des textes d’une décourageante rigidité. Quand elle avait créé d’une part le Directoire, d’autre part le Corps législatif, elle avait cru faire acte de sagesse en les isolant l’un