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On rapportait encore à Rome que l’instruction religieuse était donnée en polonais aux enfants du diocèse de Minsk, où la population des campagnes ne parle et n’entend que le blanc-russien, et l’on prêtait à l’évêque de Minsk ce propos singulier : « Plutôt que de permettre qu’on enseigne aux enfants le catéchisme dans une autre langue que le polonais, j’aime mieux qu’ils ignorent le catéchisme. » Encore une fois, ce ne sont là que des impressions, des souvenirs recueillis dans un milieu qui était alors peu favorable à la cause de la Pologne ; c’est pourquoi j’aurais voulu en contrôler sur les lieux l’exactitude ou la vraisemblance. N’ayant pu le faire, je m’abstiendrai de tout jugement sur ces questions délicates. J’ai déjà dit ce que je pense de la « théorie varsovienne » des vastes annexions et des plébiscites en pays mixtes : les annexions me semblent dangereuses et les plébiscites trompeurs, dans des régions où les habitants, dépourvus de toute instruction, subissent avec une égale docilité des influences contradictoires. Ceux qui auront à résoudre ces problèmes ne devront pas oublier que la religion en est probablement le facteur principal, et qu’avant de demander aux paysans de Vilna et à ceux de Minsk s’ils veulent être Lithuaniens, Polonais ou Russes, il faudra leur assurer une liberté, qui parait bien être pour eux l’essentielle : celle d’aller prier Dieu, dans une église de leur culte et de faire enseigner à leurs enfants la doctrine religieuse dans un idiome qu’ils comprennent, c’est-à-dire dans leur langue nationale.

Le clergé polonais a joué un rôle important et admirable dans la longue lutte engagée par trois gouvernements iniques contre une nation qui ne voulait pas mourir. Ce rôle n’est pas terminé. Dans un pays profondément religieux comme la Pologne, l’action des évêques et des prêtres est toujours efficace, souvent décisive. Je n2 l’ai jamais mieux compris qu’en ces terribles journées de juillet, alors que les Bolchévistes triomphants formaient autour de Varsovie un cercle toujours plus étroit et que, dans certains milieux, la confiance commençait à fléchir. Le matin du 16 juillet, j’allai voir le cardinal-archevêque, Mgr Kakowski : pendant une heure, il m’entretint de la situation, des mesures prises par l’épiscopal, des prières ordonnées dans les églises, des appels aux armes adressés du haut de la chaire à la jeunesse des villes et des campagnes ; et, de temps en temps, ces paroles, prononcées d’une voix ferme, un peu