Après un silence, elle dit, avec un imperceptible tremblement dans la voix :
— May vous a demandé de vous occuper de moi ?
— Je n’avais pas besoin qu’on me le demandât…
— Vous me trouvez donc bien visiblement sans défense ! Quelle pauvre créature vous me croyez tous ! Mais les femmes d’ici n’ont donc jamais besoin de secours, pas plus que les bienheureux dans le ciel ?
Il baissa la voix :
— Quelle sorte de secours ?
— Ne me le demandez pas. Je ne parle pas votre langue, répliqua-t-elle avec vivacité.
La réponse le blessa ; il s’arrêta dans le sentier.
— Pourquoi suis-je venu, si vous ne parlez pas ma langue ?
— Oh ! mon ami ! — Elle posa légèrement sa main sur le bras du jeune homme. Il la pressa. — Ellen ! Pourquoi ne pas me dire ce qui est arrivé ?…
Elle haussa de nouveau les épaules :
— Que peut-il arriver dans le paradis ?
Ils marchèrent quelques instants en silence. Enfin elle dit :
— Je vous l’expliquerai, mais où ? On ne peut pas être seul une minute dans cette maison aux portes toujours ouvertes, où toujours quelque domestique vous apporte le thé, une bûche ou un journal ! Ne peut-on jamais, dans une maison américaine, être un peu seule ? Vous qui êtes si réservés, si discrets, comment se fait-il que vous ayez si peu le sens de l’intimité ?
— Ah ! vous ne nous aimez pas ! s’écria Archer.
Ils passaient devant la maison du vieux « Patroon. » Sa façade basse, percée de petites fenêtres, était dominée, à la mode hollandaise, par une seule cheminée centrale. Les volets étaient ouverts, et, à travers les vitres, Archer aperçut la lueur d’un feu.
— Tiens ! la maison est ouverte ? dit-il.
Elle s’arrêta :
— Pour aujourd’hui, tout au moins. Je désirais la visiter, et Mr van der Luyden a fait allumer du feu, afin que nous puissions y passer en revenant de l’église, ce matin.
Elle monta les marches en courant et tourna la poignée de la porte.
— Elle est encore ouverte. Quelle chance ! Entrez et nous