Dans ces entretiens qui reprendront bientôt, M. Georges Leygues a cependant déjà produit et il peut produire à nouveau un argument très fort. Les divers traités signés à Sèvres le 10 août dernier ne sont pas encore ratifiés par les Chambres françaises. Les États-Unis, pays libre, ont refusé de ratifier le traité de Versailles, bien qu’il eût été négocié par leur Président lui-même. Personne ne saurait contraindre le Parlement français à voter un traité qui paraîtrait en opposition avec nos intérêts. L’Angleterre, pays libre elle aussi, ne pourrait pas s’étonner de voir notre représentation nationale user de ses prérogatives élémentaires. Le traité de Versailles, comme tous les actes diplomatiques, n’est entré en vigueur qu’après ratification. Il a été sanctionné par les Chambres françaises, par les Communes, par les Chambres italiennes, par le Reichstag ; il est, dès lors, devenu intangible, — du moins, théoriquement, — car, en fait, il n’a jamais été si violemment battu en brèche, chez nos Alliés comme chez nos anciens ennemis, que depuis qu’il est définitif. Si les critiques qui s’élèvent aujourd’hui, dans des sens si divers, contre le traité de Versailles, avaient été formulées avant la ratification, ou, plutôt, si les quelques députés qui les ont exprimées, en France ou à l’étranger, avaient été suivis par une majorité, aucun des pays signataires n’aurait eu le droit de voir là une inconvenance ou un abus de pouvoir. Tant qu’un traité n’est pas régulièrement consacré par la nation qu’il va obliger, il n’est et ne peut être qu’un projet. L’article 8 de notre loi constitutionnelle des 16-18 juillet 1875 est formel à cet endroit.
Or, voici que les deux Chambres se trouvent, à Sèvres, en face d’un service de porcelaine, composé de six traités, tous datés du 10 août 1920, et tous d’une désolante fragilité. Ces jours-ci, au banquet que lui offrait le barreau de Paris, M. Millerand disait : « La paix est revenue, si faible encore et si délicate… » Oui, faible et délicate sur le Rhin ; faible et délicate, plus sûrement encore, dans cet Orient, par où l’Allemagne, fidèle à ses vieux desseins, essaie de prendre l’Europe à revers. Cette paix souffreteuse et maladive, sont-ce donc les traités de Sèvres qui la vont fortifier ? Parcourons les fascicules où les conventions nouvelles sont consignées en trois langues : anglais, italien et français ; nous n’éprouverons pas seulement le regret d’y voir la primauté diplomatique de notre idiome sacrifiée une fois de plus aux instances de nos alliés ; nous y trouverons malheureusement justifiée une appréciation de M. Jacques Bainville : « Au cas d’un nouvel accident européen, dit-il dans sa très intéressante étude sur les Conséquences politiques de la