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êtes vivante et bondissante, tour à tour ardente comme une flamme ou pure comme un jet d’eau !

C’est la danse éternelle de la jeunesse et du rêve ; l’envoûtement et l’incantation et, avant la recherche de l’homme, la poursuite du bonheur. Avant la scène de la séduction et sa grâce animale, c’est la femme dans l’antre de la sibylle et l’interrogation du destin. Et ensuite, c’est, malgré la réponse, l’embrasement de l’amour. Puis toutes les hardiesses des gestes, des appels, de cette provocation, de cette approche, dès qu’elles vont trop près de ce qui peut-être serait la volupté, toutes ces folies se consument dans un subit élan de passion, se tordent comme dans un brasier trop haut et finissent par ces bonds éperdus, désespérés et sauvages, ces sauts de petite sorcière fuyant la torture et retrouvant sa force innocente dans un élan d’allégresse et de liberté.

Isabelita Ruiz ! que ces signes de votre main au-dessus de votre front sont irrésistibles et fatidiques ! Que vous savez bien creuser et cambrer le dos selon les vieux rites, en même temps que s’arrondit et s’offre en avant la beauté du ventre, telle la souple vague prête à déferler ; que vos gracieux et puissants trépignements sont bien scandés et infatigables, que vous êtes démoniaque dans les pointes roses de cette jupe qui fait semblant d’être en loques et que percent vos longues jambes victorieuses, et que j’aurais voulu savoir vous décrire mieux, vous, vos arabesques, vos incendies et vos rythmes que rien n’essouffle ! Mais il m’aurait fallu pour cela savoir écrire non pas seulement avec une plume, mais avec la pointe d’un piment, ou celle d’un sarment qui flambe, ou la tige d’un œillet.


Gérard d’Houville