Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombe d’un ciel en grisailles sur le dôme. L’iconostase a des scintillements d’incendie, des chatoiements de gemmes suivis d’éclipsés ; puis il ne vient plus d’en haut qu’une clarté diffuse, couleur de cendre, donnant à la grande icône de la Vierge Mère un très deux reflet de vieil argent.

De quel culte tendre et presque dominateur n’est elle pas l’objet dans les églises orthodoxes, la Madone souriante de Nazareth ? Elle règne sur l’iconostase et son image est partout. Elle irradie la joie sereine, la quiétude angélique. Ce n’est plus la Vierge aux sept douleurs, la Mère au cœur percé de sept glaives ; et l’on croirait que, dans les temples vides de crucifix, les pieux artistes de Byzance n’ont pas voulu attrister la Madone par la vision de son Fils crucifié. On nous fait admirer une croix en bois de la vraie croix, des missels et des livres d’heures très anciens et surtout une cassolette d’argent du cinquième siècle, présent de l’impératrice Pulchérie.

Il ferait bon rester ici à l’heure de l’office conventuel ; mais le temps implacable passe. Par des couloirs compliqués, des escaliers un peu branlants, parmi les lauriers et les fumées d’encens, nous gagnons la salle de réception. Ohl l’horrible petite chambre au plafond bas, aux coussins défraîchis, aux murs de claire chaux blanche souillés par toute une galerie de chromes affreux et d’estampes communes ! Il faut un effort pour ne pas se croire en une salle d’estaminet de village. Vénizélos, cela s’entend, est en vedette. Là, le supplice du Général commence. C’est, d’abord, l’allocution, — en grec, hélas ! — prononcée, au nom de l’higoumène, par un des dignitaires du couvent et fort ému de cet honneur. L’ « Archistratigos » Franchet d’Esperey y est, comme bien l’on pense, copieusement encensé. Pourtant, la pieuse horreur du métier des armes règne en la Sainte Montagne. Aux yeux des moines, la guerre n’est qu’un assassinat en masse. C’est qu’à Xiro Potamou, nous sommes dans le vieil Athosgrec assailli par les Slaves. La foi qui soulève les montagnes, n’a pas éteint en ces âmes ardentes l’orgueil de la race. C’est avant tout le vainqueur des Bulgares… vainqueur avec l’aide des Hellènes… que l’on reçoit aujourd’hui. La cascade sonore ne s’est pas éteinte sur les lèvres du moine, que s’ouvre la deuxième phase du supplice. Voici venir, dans les mains de jeunes religieux aux visages d’éphèbes, les rituelles offrandes de l’hospitalité orientale : la gelée de coing cristalline,