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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/260

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automobiles traverser le pont, tourner à droite : on allait chez le grand-duc Georges pour prendre ses effets ; de chez lui on devait aller chercher le grand-duc Dimitri Constantinovitch et de là à la prison du gouvernement de Wologda, située à quatre kilomètres environ de la ville. Encore une fois, mon Grand-Duc me fit un signe de la main… Je regardai ma montre ; il n’était que deux heures vingt. Toute cette scène n’avait donc duré que quarante minutes.

À l’annonce de la triste nouvelle, tous les habitants de notre maison et des maisons voisines s’étaient rassemblés. Tout le monde était indigné ; les femmes et les enfants pleuraient.

Le soir seulement j’eus des nouvelles des prisonniers. Le colonel Karotchintseff, avec mille difficultés, avait réussi à voir le président des Soviets, Vétochkine ; il avait appris de lui que nul ne savait quels faits avaient motivé l’arrestation des Grands-Ducs, qu’ils étaient dans la prison du Gouvernement dans des cellules séparées. C’est tout ce que je pus apprendre ce soir-là.

Le lendemain, mardi 2 juillet, nous allâmes, le colonel Karotchintseff et moi, trouver le président du Conseil des Soviets de Wologda. Il nous reçut avec condescendance et nous dit qu’il ne s’expliquait pas cette arrestation, que le Soviet de Wologda ne l’approuvait pas, mais qu’il n’était pas en son pouvoir de l’empêcher, vu que l’ordre émanait d’Ouritsky lui-même. Il nous promit de faire tout le possible pour rendre aux prisonniers leur détention moins dure et ajouta que pour procéder à cette opération il avait choisi, en la personne de Condé, celui de ses secrétaires qui était le mieux élevé. Il nous autorisait à aller voir les prisonniers dès aujourd’hui, mais nous devrions, chaque fois, demander des permis à Condé. Nous le priâmes de télégraphier à Ouritsky pour demander que l’emprisonnement fût commué en arrestation domiciliaire. Il nous le promit. L’arrestation du grand-duc Nicolas lui semblait particulièrement incompréhensible, — « Un homme de cet âge, et qui jamais ne s’était occupé de politique ! » — Son avis était que tous les trois avaient été arrêtés uniquement parce qu’ils étaient des Romanoff.

Le même jour, à quatre heures, nous étions, le colonel Karotchintseff et moi, à la prison ; le brave Motoroff y était venu aussi. Condé était déjà là ; il tenait à assister lui-même à