Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hâter les préparatifs de mon propre départ qui devait avoir lieu le lendemain.

A onze heures, je rejoignis les trois Grands-Ducs à la gare. Ils étaient déjà installés dans le compartiment qui leur avait été réservé ; ils étaient escortés de quatre soldats : le secrétaire du soviet les accompagnait à Pétrograde. Plusieurs personnes étaient venues à la gare pour prendre congé des prisonniers. A midi j’embrassai pour la dernière fois mon maître bien-aimé, et les deux autres Grands-Ducs. C’était le suprême adieu. Le train partit. Condé me serra la main et me promit de faire son possible pour plaider la cause des détenus. C’était la dernière page de notre exil à Wologda.

Qui pouvait dire ce qui attendait les trois captifs à Pétrograde ?


III

Le lendemain, muni d’un passeport, je pus partir, et, le mardi, vers les deux heures, j’étais à la maison.

La première chose que j’appris est que les Grands-Ducs avaient été amenés de la gare de Pétrograde directement à la Tchéka et qu’on les y avait retenus. On continuait à leur porter leurs repas. Quelques jours après, ils furent transférés de la Tchéka à la Spalernaia avec ordre de leur appliquer le régime le plus sévère. Ils furent mis dans des cellules séparées : une fois par jour on les faisait sortir pour la promenade dans la cour, et, trois fois par semaine, on permettait de leur apporter des provisions, des cigarettes, du linge. Il y avait un moyen de recevoir du Grand-Duc et de lui envoyer de temps en temps clandestinement des lettres ou plutôt des billets ; mais il ne fallait en user qu’avec des précautions infinies. Nous apprîmes aussi que vers les quatre heures il pouvait sortir dans un corridor et s’approcher d’une fenêtre qui donnait sur la rue ; ainsi nous pûmes l’apercevoir à plusieurs reprises, à l’appui de la fenêtre, son cigare à la bouche, nous saluant de la main. A l’approche de l’automne, cette faveur fut supprimée.

On m’avait signalé une dame que ses relations avec Ouritsky mettaient à même de nous rendre service : nous eûmes une entrevue. Elle me promit de s’informer s’il y avait une possibilité quelconque de faire quelque chose pour délivrer le