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savoir à quoi, ni comment, mais sûrement, à l’indépendance de notre patrie, à sa défense contre l’invasion étrangère et l’opposition domestique, aux intérêts de la liberté pour lesquels nous braverons beaucoup de répugnances et d’injustices. L’aristocratie est plus folle et plus venimeuse que jamais ; le parti populaire est bien aigri, bien vigoureux ; les chefs du dehors et du dedans vous sont connus ; on ne change pas. C’est ce qui fait que je compte sur votre amitié et que je vous suis attaché de toute mon âme.


XVIII

Paris, le 11 juillet 1815.

Depuis que le pavillon blanc flotte sur les Tuileries, chère madame, je suppose que les bivouacs étrangers qui l’entourent protègent notre communication jusqu’à vous. A peine le vieux drapeau tricolore, celui de l’ancienne faction, comme l’observe très bien l’ordre de ce jour, avait-il remplacé l’étendard bonapartiste que les représentants de la nation m’envoyèrent en son nom, avec cinq collègues[1], pour interpeller la bonne foi des puissances alliées. Je m’étais flatté que cette course de onze jours me procurerait l’occasion de vous écrire ; mais je vis que ma lettre ne sortirait jamais de ce labyrinthe de six cent mille hommes en marche. En revenant ici, je trouvai Paris rendu et n’eus que le temps de dire à l’Assemblée que les puissances professaient toujours leurs libérales intentions et que j’adhérais avec d’Argenson[2]et Sébastiani[3]à la déclaration du 9 de ce mois. Le lendemain, les Anglo-Prussiens firent leur entrée, et nous continuâmes à faire des articles constitutionnels[4], tandis

  1. Les cinq députés qui composaient avec La Fayette la mission envoyée pour négocier avec les Alliés et arrêter leur marche sur Paris étaient : Voyer d’Argenson, Sébastiani, Pontécoulant et La Forest. Leur mission échoua.
  2. Le d’Argenson dont il est ici question était le fils du comte d’Argenson qui avait été ministre de la Guerre sous Louis XV et qui, étant tombé en disgrâce, avait passé plusieurs années en exil. Il fit partie des Assemblées de la Restauration où il siégea toujours à gauche. Il avait épousé la veuve du prince de Broglie, mort sur l’échafaud, et était ainsi le beau-père du duc de Broglie, qui parle de lui au tome II de ses Souvenirs.
  3. Le comte Horace Sébastiani, qui avait servi brillamment dans les armées de l’Empire, joua un rôle politique important sous la Restauration et le gouvernement de Juillet. Il siégeait à l’extrême-gauche. Il fut fait maréchal de France en 1840.
  4. Le Corps Législatif des Cent Jours ne cessa pas de siéger après Waterloo et continua, en effet, de discuter des questions constitutionnelles, alors que ses heures étaient comptées. Il fut fermé le lendemain du jour de l’entrée des Alliés à Paris.