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raisonnables de l’opinion publique ; elle avait, pendant dix-sept ans, favorisé les progrès matériels de la démocratie, et elle n’avait pas su s’entendre pour mettre le gouvernement de son choix en harmonie avec la marche ascendante des idées et en contact avec le cœur de la nation. »


Les risques qui menacent la bourgeoisie d’aujourd’hui présentent une singulière analogie avec ceux qui menacèrent nos pères. Saurons-nous les éviter ? Je crois que nous pouvons, sans optimisme excessif, nous rassurer et rassurer nos voisins quant à une résurrection d’impérialisme. La victoire de 1918 marque la victoire du principe démocratique dans le monde entier. Seule, la prétention brutale d’une partie du prolétariat de reprendre à son compte les privilèges des vieilles oligarchies, aurait pu, par contre-coup, rejeter une nation dans les bras du sauveur capable de défendre les bases mêmes de la civilisation contre les assauts d’une barbarie nouvelle. Ce danger n’est plus à craindre. Le bolchévisme, contre-coup nerveux du cataclysme mondial, agonise dans l’Europe entière. Il n’a jamais été redoutable dans un pays d’intelligences claires et de fortunes moyennes, où socialement le résultat essentiel de la guerre a été d’augmenter dans des proportions énormes la force de la propriété paysanne. Je nous crois également immunisés contre toutes dictatures, y compris celle du prolétariat.

Mais les deux autres risques, qui furent les pierres d’achoppement de la monarchie de Juillet, sont plus graves. « Enrichissez-vous ! » Ce n’est qu’en la tronquant de son contexte que l’esprit de parti a pu donner à la fameuse apostrophe adressée par Guizot aux bourgeois, ses contemporains, la couleur de matérialisme égoïste et grossier qui lui est demeurée attachée dans la légende démagogique. « Enrichissons-nous… Par le travail et par l’économie. » Il n’est pas aujourd’hui de maxime dont la stricte observance soit plus étroitement commandée à une nation dont le sol est jonché de ruines et dont la dette s’est accrue de deux cents milliards. La bourgeoisie française a effectivement aujourd’hui à assurer la mise en valeur intensive de toutes les ressources de la France, de la plus grande France, à lui fournir tous les états-majors, comme elle a encadré toutes les forces du pays pour la défense nationale. Mais si immense