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de la montagne de Flavigny ; il siégeait sur une estrade élevée, entouré des aigles des légions et des enseignes des cohortes ; c’est ainsi que nous voyons figurés sur les arcs de triomphe de l’époque impériale ou sur la colonne Trajane les empereurs et les généraux. « Vercingétorix sortit le premier des portes de la ville, a écrit M. Jullian, seul et à cheval. Aucun héraut ne précéda et n’annonça sa venue. Il descendit les sentiers de la montagne et il apparut à l’improviste devant César. Il montait un cheval de bataille, harnaché comme pour une fête. Il portait ses plus belles armes ; les phalères d’or brillaient sur sa poitrine. Il redressait sa haute taille et il s’approchait avec la fière attitude d’un vainqueur qui va vers le triomphe. Les Romains qui entouraient César eurent un moment de stupeur et presque de crainte quand ils virent chevaucher vers eux l’homme qui les avait si souvent forcés à trembler pour leur vie. L’air farouche, la stature superbe, le corps étincelant d’or, d’argent et d’émail, il dut paraître plus grand qu’un être humain, auguste comme un héros : tel se montra Decius lorsque, se dévouant aux dieux pour sauver ses légions, il s’était précipité à cheval au travers des rangs ennemis.

« C’était bien, en effet, un acte de dévotion religieuse, de dévouement sacré, qu’accomplissait Vercingétorix. Il s’offrit à César et aux dieux suivant le rite mystérieux des expiations volontaires.

« Il arrivait paré comme une hostie. Il fit à cheval le tour du tribunal, traçant rapidement autour de César un cercle continu, ainsi qu’une victime qu’on promène et présente le long d’une enceinte sacrée. Puis il s’arrêta devant le proconsul, sauta à bas de son cheval, arracha ses armes et ses phalères, les jeta aux pieds du vainqueur : venu dans l’appareil du soldat, il se dépouillait d’un geste symbolique pour se transformer en vaincu et se montrer en captif. Enfin il s’avança, s’agenouilla et, sans prononcer une parole, tendit les deux mains en avant vers César, dans le mouvement de l’homme qui supplie une divinité.

« Les Romains se sentirent émus et le dernier instant que Vercingétorix demeura libre sous le ciel de son pays lui valut une victoire morale d’une rare grandeur. »

En fut-il véritablement ainsi ? La scène est digne du héros, la noblesse des gestes répond à l’idéal que s’est créé notre fierté