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solitudes et terrains vagues alternent avec des entassements de cabanes, où l’on trouve tour à tour les aires blanches des lieux de foire, les cimetières, des venelles que bordent les ateliers des artisans, des granges et des greniers et les toits des chefs. Sans trop demander à son imagination, le visiteur des ruines d’Alesia pourra sa représenter ainsi l’aspect des lieux au moment où Vercingétorix vint y chercher un asile contre l’adversité.


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L’héroïque défenseur de la place vaincu et fait prisonnier avec son armée, deux partis s’offraient à César : ruiner la petite ville de fond en comble et changer son emplacement, suivant la mode romaine, en un désert voué à la malédiction des hommes et des dieux, ou l’abandonner à sa destinée. Le politique éclairé qui releva Carthage et Corinthe et sut infuser une vie nouvelle à ces anciennes rivales de Rome, anéanties par ses prédécesseurs, ne pouvait guère hésiter ; d’autant plus que la destruction d’Alesia n’aurait servi de rien. Il la laissa donc subsister ; et peu à peu, sous l’influence des germes féconds que l’énergie romaine apportait partout avec elle, elle se transforma en une de ces mille bourgades dont l’Empire était parsemé. On sait qu’elles aimaient à se parer de monuments publics et privés, toujours les mêmes : une grande place qu’elles appelaient forum, centre de l’administration et de la vie municipale, un théâtre, des halles de commerce et de justice, ou, comme on les appelait alors, des basiliques ; elles entretenaient jalousement des temples en l’honneur de leurs anciens dieux ou des divinités nouvelles que leurs maîtres avaient introduites ; elles étaient fières de reproduire ainsi en petit, quelques-unes en tout petit, l’aspect de la glorieuse métropole, objet de leur admiration et de leur envie.

Alesia n’agit point autrement. La plupart des édifices qui la décoraient ont été, je ne dis pas retrouvés au cours des fouilles, — ce serait exagéré, — mais reconnus ; car Alesia n’a jamais été qu’une assez humble commune et ses monuments, conçus et bâtis modestement, n’étaient pas de taille à résister au double effort du temps et des hommes. Il faut nous contenter du peu qui en subsiste et demander à ces débris du passé ce qu’ils peuvent nous apprendre.