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de violateurs de sépulture ; en pareil cas, les voleurs procèdent de façon plus expéditive : ils brisent les couvercles en les déplaçant brutalement ; il faut chercher du fait une autre explication.

Le couvercle soulevé, on constata que la cuve était remplie de débris de toute sorte que les eaux y avaient introduits, de terre, de pierres, d’ossements d’oiseaux, d’os humains même, en désordre, des os du bassin se trouvant au pied et un fragment de maxillaire au centre. A côté du sarcophage on recueillit une entrave, de celles qui servaient à enchaîner les esclaves et les prisonniers, mais très petite, des clés de fer et une boucle de ceinturon d’époque mérovingienne. Quelle conclusion tirer de ces constatations ?

Ceux qui connaissent les pratiques courantes chez les chrétiens des premiers siècles savent qu’ils aspiraient à se faire enterrer dans le voisinage de quelque saint, ad sanctos, comme ils disaient, dans l’espoir de participer plus sûrement au repos éternel et à la béatitude assurée à leur protecteur. Il est donc naturel de penser que l’accumulation de sarcophages que l’on a notée décèle la présence d’une tombe particulièrement vénérée : ce serait la sépulture retrouvée au centre de la construction, qu’il est naturel de regarder comme une basilique.

Mais cette tombe ne contenait aucun corps. Si l’on se souvient que les restes de sainte Reine ont été enlevés au IXe siècle de la cuve qui les contenait, celle-ci restant en place, on sera tenté de reconnaître dans la basilique celle de la sainte et dans le sarcophage le coffre de pierre où les reliques avaient été apportées quatre cents ans plus tôt. L’entrave, les clefs seraient des offrandes déposées par la piété de dévots, en reconnaissance de leur délivrance. Quant à l’ouverture ménagée dans le couvercle, elle s’expliquerait par un usage cher aux chrétiens d’autrefois que les modernes n’ont pas tout à fait oublié. Ils aimaient à toucher les reliques ou la tombe des saints avec des morceaux d’étoffe, des monnaies, des médailles religieuses qu’ils emportaient ensuite avec eux, comme ils se plaisaient à recueillir dans des sachets une poignée de terre ramassée auprès de la sépulture vénérée. On ne peut pas supposer que le trou ait été pratiqué alors que le corps de la sainte était encore enfermé dans la cuve ; c’eût été une coupable profanation ; mais il est possible qu’après la translation à Flavigny, les