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fournir des raisons humaines de persévérance. De l’autre, la question tend à passer du plan de la dogmatique à un plan où son caractère politique aussi commence à être entrevu, de sorte que la diplomatie aura vraisemblablement à lui consacrer mieux que des loisirs prélevés sur ses occupations professionnelles. S’il n’y a pas lieu de constater qu’un pas ait été fait, par quelque Eglise d’Orient que ce soit, pour se rapprocher de Rome, et si, par conséquent, la distance théorique est restée la même, la distance pratique s’est amoindrie de toute la différence entre un terrain défendu par mille obstacles, et un terrain sur lequel viennent de se produire des écroulements.

Tout d’abord, il ne reste plus trace du césaro-papisme russe, tellement ombrageux à l’endroit du catholicisme qu’il le tolérait à peine, et sous réserve de fastidieuses réglementations, quand il ne le persécutait pas. Avec son prestige disparait une force morale sur laquelle prenaient appui toutes les Églises gréco-slaves, surtout contre Rome. Avec le régime impérial s’évanouissent à leur tour, selon toute vraisemblance, ces traditions politiques qui, à l’intérieur, opposaient la raison d’Etat à la moindre tentative de pénétration et d’acclimatation du catholicisme en Russie, et, à l’extérieur, faisaient toujours craindre au Vatican que la Russie ne s’emparât, à Constantinople même, du sceptre de l’hégémonie orientale.

Au sein de l’ancien Empire ottoman, les races chrétiennes assujetties étaient d’autant plus attachées chacune à son Église qu’elles sentaient en celle-ci à la fois le critérium et la sauvegarde de la nationalité. Mais l’histoire balkanique du XIXe siècle n’est qu’une longue suite d’émancipations, et, dès les débuts du XXe, les destinées comme le territoire de cet Empire apparaissent tellement rétrécis qu’il n’en reste plus guère que l’ombre. A présent que les Grecs, les Roumains, les Bulgares, les Serbes sont parvenus à se constituer en États autonomes, est-il bien sûr qu’ils conservent, du moins au même degré, ce sentiment ancestral que là où est l’Eglise, là est aussi la nation, par conséquent que les intérêts du Rite et ceux de la patrie sont indissociables ? C’est peut-être l’avis, en tout cas ils se feront un devoir de l’exprimer, de beaucoup de dignitaires de ces Églises autocéphales. Mais le gros de l’opinion balkanique, plus particulièrement les classes dirigeantes, doivent s’avouer et laissent même un peu voir qu’elles ne pensent pas, sur ce point, comme