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d’une page de politique religieuse dans l’histoire de la Régence du Quarnero.

De temps immémorial, la ville de Fiume relève de la juridiction de l’évêque de Senj (Croatie maritime). Sa cathédrale est tout justement une de celles où le paléo-slave fait office de langue liturgique. Sous les pontificats précédents, l’Ambassade d’Autriche-Hongrie auprès du Saint-Siège s’était efforcée sans succès d’obtenir que Fiume et son territoire fussent érigés en diocèse autonome. L’intérêt politique que les Magyars trouvaient à cette disjonction se heurtait à la résistance des Croates, en faveur de laquelle Mgr Ratchki et son ami le comte Constantin Vojnovitch usèrent efficacement du crédit dont ils disposaient à Rome. On ne demandera donc pas pourquoi la Croatie, ou plutôt la Jugoslavie tout entière apprirent avec quelque émotion, en 1920, que Dom Celso Costantini, ancien aumônier militaire et ami personnel du Dictateur, était désigné comme administrateur apostolique de Fiume, satisfaction dont jadis Sa Majesté l’Empereur d’Autriche et Roi de Hongrie se fut certainement contentée.

M. d’Aununzio répondit à tant d’aménité par un trait de poésie : car c’est tout ce qu’on peut dire de moins sévère pour la Constitution qu’il imagina de donner au nouvel État, et dans laquelle une certaine religion « éthique » prenait la place de la catholique. Seulement, de la Save à l’Adriatique, le choc en retour fut plus sérieux. Il en eût moins fallu pour fournir au sentiment « vieil orthodoxe » un prétexte à retourner à ses préventions contre le Vatican. La propagande anglicane qui commence à s’exercer en Serbie, avec un demi-succès, au profit de l’idée d’« inter-communion » avec l’Eglise gréco-slave, ne pouvait manquer de s’inspirer de cet épisode. Un peu plus tard, un évêque serbe, Mgr Dositek, allait tendre bruyamment la main, en Tchéco-Slovaquie, à la portion du clergé qui vient de se détacher de la communion romaine. A Zagreb, on fut plutôt contristé, du moins dans les milieux catholiques, où la fidélité dogmatique s’accompagnait jusqu’à présent d’une simplicité filiale à correspondre en tout aux intentions du Saint-Siège, un peu à la façon des Français formés, sous Pie IX, à l’école de Louis Veuillot. C’est dans cette ville qu’eut lieu, en 1900, un célèbre Congrès eucharistique qui se termina, comme beaucoup d’autres, par une motion ardente en