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que la lune produit, par son attraction, des marées sur la terre, celle-ci en produisait également sur notre satellite, lorsqu’il avait encore des parties fluides. La masse de la terre étant prépondérante, les marées lunaires étaient bien plus fortes que les nôtres. Or naguère la lune tournait sur elle-même beaucoup plus vite que maintenant. La durée de cette rotation que nous pouvons appeler le « jour lunaire », n’était guère il y a quelque 56 millions d’années que de huit jouis environ, donc quatre fois plus petite que maintenant.

Mais il est clair que la protubérance liquide produite sur la lune par l’attraction de la terre et qui tend sans cesse à se diriger vers celle-ci, devait, par suite de la viscosité et du frottement qu’elle produisait, agir comme un frein et modérer peu à peu la rotation lunaire, jusqu’à ce que la durée du jour lunaire soit précisément égale au mois, comme nous le voyons aujourd’hui.

Cette influence retardatrice des marées va nous permettre d’éclairer un petit problème particulier qui a été soulevé lors de la dernière éclipse de lune.

Interviewé par un grand journal anglais, M. Crommelin, astronome de l’Observatoire de Greenwich, aurait déclaré que les observations de l’éclipse de lune avaient mis en évidence une accélération tout à fait anormale, et qui prouverait que le mouvement de la lune est nettement en avance sur les éphémérides.

Présentée sous cette forme « toute nouvelle, » la nouvelle est certainement erronée, et les déclarations de M. Crommelin qui est un astronome averti ont été manifestement travesties par son truchement journalistique. Ce sont choses qui arrivent fréquemment lorsque des affirmations de techniciens tombent dans des oreilles inaptes à en saisir les nuances.

Tout d’abord, il est évident que les éclipses da lune sont, de tous les phénomènes, les moins aptes à nous fournir des indications sur le mouvement exact de notre satellite. L’ombre de la terre projetée sur lui a en effet un bord très mal délimité par suite de la réfraction et de la diffusion des rayons solaires dans l’atmosphère terrestre, et aussi parce que cette ombre est entourée d’une zone de pénombre où elle se fond d’une manière assez floue. Il s’ensuit que les observations des divers contacts de l’ombre projetée par la terre et du disque lunaire ne peuvent se faire avec une précision suffisante pour mettre en évidence des anomalies même dix fois plus grandes que celles attribuées au mouvement lunaire.

La vérité, — que la dernière éclipse de lune a été une occasion non