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EDMOND ROSTAND
ET LA PROVENCE

Quand, sous le balcon de Roxane, Cyrano veut dissimuler sa voix au comte de Guiche, il s’écrie soudain, en ayant l’air de faire jouer un invisible déclic :


Cric ! Crac !
Cyrano ! reprenez l’accent de Bergerac !


L’accent de Bergerac ! — Mais n’est-ce pas peut-être son véritable accent, celui qui le situe pour nous dans l’histoire et dans la légende de la façon la plus juste ? Il n’importe qu’il ait été Parisien ; Edmond Rostand l’a fait Gascon : il restera tel. Mais si Rostand l’a fait tel, c’est qu’il a vu en lui un héros méridional et qu’il a mis sous son nom beaucoup de son propre rêve.

Or c’est ici, non pas précisément l’accent de Bergerac, mais celui de Marseille, qui n’en est pas très différent, que je voudrais rendre à Edmond Rostand, et non pas cet accent de Marseille, qui assaisonne de son parfum alliacé les ragoûts de vaudeville, mais le véritable et digne accent d’une race vive et curieuse, dont les origines remontent aux plus lointaines civilisations et dont l’activité touche au trafic le plus moderne de notre monde, d’une race faite d’incessants contrastes, joviale et furieuse tour à tour, qui a cultivé la galéjade, mais qui a donné son nom au chant national de la France et qui mêle dans son cœur ardent les vieux cultes et les vieux rêves orientaux aux sollicitations de l’Occident actif et commercial.

Oui, si j’ose aujourd’hui, après tant d’autres, parler une fois encore d’Edmond Rostand et de son œuvre, c’est que j’ai cru