Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/572

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en une idée qui, tout en gardant la chaleur de l’état originel, pourra devenir objet de contemplation sereine.

En général, les œuvres sont moins intransigeantes, moins pures, plus composites que les doctrines. Pourtant parmi les doctrines se rencontrent des efforts très raisonnables de fusion et de synthèse. On ne peut qu’être très frappé du respect que des écrivains comme Remy de Gourmont et M. André Gide témoignent à la tradition, et des points d’attache multiples et solides que leur pensée et leur œuvre y conservent. Dans les enquêtes qui se sont faites entre 1900 et 1914, la préoccupation de la synthèse était très sensible.

Assurément, ce mot de synthèse recouvré assez souvent des notions un peu confuses, parfois même contradictoires. Cependant, je me hasarderais à dire, que la synthèse cherchée par beaucoup de jeunes appartenant à des groupes très différents, consiste principalement en ceci. On rejette les limitations et les excommunications absolues des systèmes. On comprend que la littérature doit exprimer l’individu, le moi du créateur, mais par cet individu, et dans ce moi le plus possible de la vie individuelle et collective, le plus possible de la vie universelle. On cherche le juste point où s’équilibreront, dans une expression à la fois personnelle et générale, les nécessités contradictoires qui font le tourment de l’écrivain : la poésie est l’art de communiquer « cette partie de notre vie qui semble incommunicable. » (G. Duhamel.) Il faut que le premier lecteur venu, pourvu seulement d’une âme humaine, se reconnaisse dans notre œuvre, et il faut qu’elle lui apporte, en même temps, l’impression d’être en présence d’une âme unique. Le problème du style est du même ordre : parler une langue assez commune pour être entendue de tous, assez personnelle pour donner la sensation de n’avoir jamais encore été entendue.

Les meilleurs représentants de la jeune critique ne renient aucun des grands mouvements de notre littérature. Classicisme, romantisme, naturalisme, Parnasse, symbolisme, chaque école, a son tour, a manifesté un état de la sensibilité française, un aspect de l’art et du beau. Le travail de trois ou quatre siècles ne saurait être perdu. On ne rejette pas le passé en réalisant le présent et en préparant l’avenir. On rêve d’une littérature assez large pour n’exclure aucune vérité ni aucune beauté.

Beaucoup se refusent à choisir entre la logique et la poésie,