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personnel; seulement, selon qu’il aura opté pour le genre personnel ou pour le genre impersonnel, son indestructible personnalité s’étendra en surface ou en profondeur.

Quoique, comme je l’ai dit, il ne faille pas chercher beaucoup d’homogénéité ni d’unité dans les groupements qui constituent les chapelles littéraires, je me hasarderai à signaler la Nouvelle Revue française (la collection d’éditions avec la Revue) comme représentant les meilleures tendances du mouvement littéraire contemporain. Tout s’y trouve assurément; et le romantisme impénitent, le réalisme opiniâtre, le symbolisme non encore désillusionné, y figurent par leur meilleure production ; mais ce qui me parait donner la note de la maison, c’est justement la recherche d’une combinaison originale et moderne, expressive de l’intelligence et de la sensibilité d’aujourd’hui, où se fondent toutes les hérédités et toutes les traditions littéraires.

Il y a là un effort de haute portée, et qui pourra être fécond, pour exprimer dans une langue ferme, intelligible à la fois et suggestive, tout ce que chaque esprit et chaque tempérament peuvent avoir à dire sur la vie, sans s’emprisonner dans une formule d’école, et en s’approchant tour à tour de toutes les formules des écoles les plus diverses, selon que l’idée ou l’émotion à chaque moment se réalise mieux par l’une ou par l’autre.

Dans cette synthèse de toute l’expérience littéraire de la France, classicisme, romantisme, naturalisme, symbolisme, etc. ne figureraient plus comme de rigides partis pris dogmatiques, forcément inconciliables : ce ne seraient plus que des attitudes momentanées de l’âme, répondant diversement aux appels divers de l’idéal ou de la réalité, des tours de main de l’artiste obéissant au caractère de l’idée ou du modèle. Chacun, bien entendu, aurait sa direction préférée, et n’irait pas plus loin dans les autres que sa nature ne le lui permettrait; mais il ne refuserait pas les occasions de les tenter. La plus classique intelligence consentirait à laisser courir parfois dans son œuvre des vibrations romantiques; et l’imagination la plus symbolique ne refuserait pas de donner à l’expression de ses rêves ce qu’ils se prêteraient à recevoir de précision classique.

Voila, me semble-t-il, très sommairement, où l’on en était à l’été de 1914, quand la guerre éclata.