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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/685

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délivrés par le moine, conduits devant Grandgousier et renvoyés par lui avec une magnifique aumône et un meilleur sermon.

Car, si la croyance aux saints qui infligent des maladies prêtait fort à rire à Calvin et à Henri Estienne, elle indignait beaucoup le bon Grandgousier qui, lui, était très bon catholique. Il souhaitait de tout son cœur que le roi punît ceux qui prêchaient de telles sottises dans son royaume, comme il avait puni lui-même, au risque d’être appelé hérétique, ce « caphart » de Cinais qui affirmait en chaire que saint Eutrope faisait les hydropiques, saint Gildas les fols et saint Genou les goutteux. Ce « caphart, » maître François avait dû entendre ses étranges sermons. L’église Saint-Clouand de Cinais était plus proche que Seuilly de La Devinière, et les Rabelais y allaient sans doute écouter la messe. Malheureusement, elle n’existe plus depuis une cinquantaine d’années : on l’a détruite avec la statue de saint Cloud où les pèlerins venaient encore en si grand nombre…

Nous avons laissé Gargantua en bon train de se restaurer pantagruéliquement avec son père et ses compagnons, servis par Janot, Micquel et Verrenet, — peut-être trois domestiques des Rabelais ; et Micquel est apparemment ce laquais basque que nous avons déjà vu apparaître ; quant à Verrenet ou « Verre net, » celui qui portait ce surnom devait aimer le piot. La table est bien munie de venaison : l’abbé de Turpenay, M. de Grandmont et M. des Essarts, bien connus de maître François apparemment, en ont fait un bel envoi. Gargantua se fait amener frère Jean pour le féliciter de ses prouesses à la défense du clos. Le moine s’attable, mais refuse de quitter son froc, car, par Dieu ! il n’en boit que mieux : « Si je le laisse, dit-il, Messieurs les pages en feront des jarretières comme il me feut faict une foys à Coulaines ! » Est-ce à l’auteur de Pantagruel lui-même qu’arriva une semblable mésaventure dans ce beau château qui, du haut de son coteau, au bord de la Vienne, domine toute la contrée, et que posséda de 1526 à 1544 René de Garguesalle, gentilhomme de la maison du Roi et enseigne de la compagnie de La Roche du Maine ? On ne sait… Mais voici passer dans les joyeux propos du moine bien d’autres souvenirs de la contrée : voici le prieur de Seuilly qui aimait si fort le blanc de chapon, et l’infirmier de l’abbaye avec ses yeux rouges comme une jatte d’aune ; « M. de La Bellonnière, » un Du Puy, sans doute parent de ce seigneur de Basché sur qui le Quart Livre nous en