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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/874

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races dans la Gaule du VIe siècle ; de méthode, car il prétend montrer que la narration seule ressuscite une époque et, par des procédés différents, n’aboutit pas moins à la « recherche intégrale du passé. »

A pareil manifeste, il fallait une tribune retentissante. Augustin Thierry vint la demander à la Revue. Le 20 mai 1833, il signait avec François Buloz un traité aux termes duquel il s’engageait à lui donner une suite de six articles intitulés : Nouvelles Lettres sur l’Histoire de France, au prix de deux cents francs la feuille. Le premier: Les Enfants de Chloter Ier, parut le 1er août[1].

Tout de suite, le succès s’affirma éclatant. L’attendrissement et la sympathie du public étaient acquis à l’historien aveugle, mais écrivains, savants et critiques n’admirèrent pas moins, sous les grâces émues du style, la vision puissante qui restituait si complètement une époque abolie, célébrèrent à l’envi « le grand érudit doublé d’un grand coloriste. » On remarqua qu’il s’abstenait cette fois de toute controverse, sans chercher à faire jaillir du passé aucune étincelle des ardeurs politiques qui continuaient d’enflammer le présent. Également, on nota qu’il s’arrêtait volontiers, en ces temps de barbarie sans frein, sur le rôle salutaire de l’Église, personnifiée en des évêques tels que Grégoire, Médard ou Prætextat.

De toutes parts, et des plus illustres, approbations et louanges ne furent pas ménagées à l’auteur. Chateaubriand d’abord : « C’est un véritable chef-d’œuvre de narration, du style le plus sain et le plus approprié au sujet ; c’est une haute leçon donné ; à tous les barbouilleurs de nos jours. J’ai été vivement frappé et touché par cette peinture des mœurs de quelques personnages d’un vieux monde qui finit dans un monde qui commence. Jamais on n’a mieux fait sentir une de ces époques

  1. Les autres s’échelonnent aux dates suivantes : II. Suites du meurtre de Galeswinthe, Mort de Sigebert, 15 décembre ; III. Histoire de Mérowig, les Asiles religieux, Gonthramn Bose, 15 juillet 1834 ; IV. Praetextatus, 15 mai 1835 ; V. Histoire de Leudaste, comte de Tours ; le monastère de Sainte-Radegonde, 1er mai 1836 ; VI. Le juif Priscus, fin de l’histoire de Leudaste, 1er décembre 1836.
    Les Récits des Temps mérovingiens ont été en majeure partie composés à Luxeuil, dans cette maison du cardinal Jouffroy qu’habitait Mlle Fressigne, où l’historien établissait sa résidence d’été et que visita Désiré Nisard. (Cf. Souvenirs de voyage, p. 202 et sq.) Longtemps, une plaque sur la muraille rappela ce souvenir littéraire. La municipalité la fit enlever ces dernières années, jugeant Augustin Thierry « trop orléaniste. » La politique de clocher a des raisons...