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se trouvent si estonnés et font de si grandes erreurs que souvent ilz sont cause de la perte d’une ville ou d’une armée avec l’estat. Et parce, se fault garder de telles gens et de grands parleurs, car ilz sont volontiers et lez unzs et les aultres de peu d’effect ; et puis il n’est plus temps de s’en repentir. » Décidément M. de Nemours a peu de goût pour les orateurs qui donnent le change sur la vérité. Puis il recommande au prince de ne pas se fier pour ses secrets aux trois robes longues : les femmes, les prêtres et les gens de justice. Mais aussitôt il fait des réserves, car il a connu de grands prélats qui n’avaient d’autre passion que leur conscience, des praticiens ou avocats sans ambition ni avarice, et, quand on a trouvé une femme sage, il la faut honorer. Les femmes, il est vrai, peuvent-elles aujourd’hui compter parmi les robes longues ?

Il ne veut pas davantage des beaux parleurs aux ambassades, ni de ces gens qui pensent à leur propre carrière ou bien à arrêter la carrière d’autrui, ni de ceux qui ont été nourris en pays étranger. Rien n’est plus important, à ses yeux, que le choix des ambassadeurs. De même un prince doit pouvoir se passer des intermédiaires, entendre ses sujets, même les plus petits, directement : les secrétaires et référendaires faussent les rapports ou les font traîner. Et que dire de ces aphorismes politiques : « La grandeur d’unz estat procède d’avoir ses voisins plus faibles que luy et d’estre aimé et craint de ses subjects, » et « c’est aussy grande victoire d’avoir faict une bonne paix à temps que d’avoir gaingné une bataille ; car qui sçait bien faire la paix à temps sçait aussy bien faire la guerre. » Le tout est de la savoir faire à temps et, comme l’a expliqué le maréchal Foch dans son discours à l’Académie en parlant des rapports de Villars, commandant en chef, et de Louis XIV, la paix comme la guerre sont affaire de gouvernement.

La guerre est affaire de gouvernement, non la conduite des armées qui appartient au chef. Dans une troisième partie de son testament, Nemours traite de l’art militaire. Il est l’un des premiers qui, avant le brillant et savant traité du chevalier de Guibert, aient codifié l’organisation et la tactique. Quand on le relit, on ne peut se tenir de constater combien les vérités d’hier sont pareilles aux vérités d’aujourd’hui. Seuls, les moyens changent, mais les principes sont exactement les mêmes. Avant de se mettre en campagne, un chef d’armée doit