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l’élégance qui consiste à garder pour soi ses émotions et ses colères, sur la possession de soi-même, — et il recommande de ne pas se laisser posséder par autrui, pas même par sa femme. Le choix du mariage est l’objet de ses exhortations : il faut chercher une femme « saine et de bonne maison, sans macule, tant pour la postérité que pour vostre contentement, et qu’elle soit bien conditionnée, bonne catholique et tenue en bonne réputation, laquelle vous aimerez et luy tiendrez loyaulté et bonne compagnie comme Dieu vous le commande, qui sera le chemin de bien vivre ensemble et avoir des enfants, s’il plaist à Dieu vous en donner, qui vous sera une grande consolation sur voz vieulx jours. » Songeait-il aux médisances et calomnies de la Cour qui n’avaient pas épargné Anne d’Este, — et il dit ailleurs, comme l’Ecclésiaste, que les choses mondaines ne sont que vanités, — lorsqu’il recommande à ses enfants de ne pas croire le mal légèrement ? Pensait-il à sa promesse inconsidérée de mariage lorsqu’il les invite à ne jamais apposer leur signature avant d’avoir lu avec soin ce qui restera au-dessus ? Savait-il les méfaits du fils de Françoise de Rohan, lorsqu’il les conjurait de ne jamais légitimer les bâtards et d’en faire plutôt de bons prélats qui, par le moyen des bénéfices, peuvent mieux servir les maisons qu’avec l’épée ? Et peut-être eût-il été préférable de leur enseigner et prendre leurs responsabilités jusque dans l’amour et dans les conséquences de l’amour. Du moins reprend-il l’autorité de l’exemple quand il proclame que « la peur de faillir est louable et celle de la vie vite et blasmable. »

Dans la partie réservée aux conseils sur le gouvernement, loin de louvoyer et subtiliser comme un Machiavel, il va droit au fait et il simplifie. Un prince ne doit être qu’honnête homme, mais sur un plan supérieur. Après la crainte de Dieu, il appuiera son autorité sur ces trois forces : la prudence, la justice et l’épée. Qu’il sache commander, se faire obéir et châtier à temps. Qu’il se garde d’employer dans la guerre des théoriciens, ceux que Nemours appelle des « guerriers par livre : » car, « soulz ombre de leurs lettres, ilz veullent plus parler de la guerre que les vieulx cappitaines et pour leurs beaux discours ilz veullent qu’on les tienne guerriers, sans expérience de la guerre ni sans jamais avoir tiré espée, et quelquefois se font employer par importunité et quantité de parolles, et puis, quand ilz se trouveront et qu’ilz veoient ce qu’ilz n’ont jamais vus, ilz