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Archer comme un narcotique. L’épaisseur des tapis, l’empressement des serviteurs, le tic-tac sonore des pendules qui rythmaient les rites compliquées de la richesse, le renouvellement perpétuel des invitations et des cartes de visites sur la table du hall, toutes les frivolités tyranniques qui unissaient les heures les unes aux autres et chaque membre de la famille à tous les autres, avaient agi sur Archer. D’habitude, une vie affranchie de cette lourde opulence lui eût paru étrangement précaire. Mais, en cet instant, c’était la maison des Welland et la vie qu’il devait y mener, qui lui semblaient irréelles. La scène rapide qu’il venait de vivre, sur la plage où il s’était arrêté à mi-chemin, faisait battre son cœur comme si la présence même d’Ellen eût passé dans le sang de ses veines.

Toute la nuit, aux côtés de May, dans la grande chambre tendue de perse où un rayon de lune se jouait sur le tapis, il chercha vainement le sommeil : sa pensée ne pouvait se détacher d’Ellen Olenska traversant les grèves lumineuses derrière les trotteurs de Beaufort.


Edith Wharton.


(La cinquième partie au prochain numéro.)