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Au cours de cette crise, déchaînée par les influences allemandes, les Légations alliées se mettaient d’accord pour l’expulsion des Légations ennemies. L’amiral se chargea de l’exécution. Il signifia cette décision aux intéressés, sans y mêler le gouvernement grec qui fut simplement prévenu et qui remit le 20, une protestation pour la forme. Le Roi avait été personnellement averti par l’amiral Dartige dans une audience qu’il lui avait accordée. Il manifesta surtout un intérêt de curiosité.

Les ministres et consuls ennemis devaient embarquer, le 22 à 9 heures du matin, sur le Marienbad, navire autrichien capturé et encore en réparation. Les expulsés n’opposèrent pas de résistance, les Bulgares et les Turcs se disaient heureux de quitter Athènes et ne dissimulaient pas leur joie. Mais bientôt la situation s’aggravait. Une minorité faible, mais très agissante, organisait de tous les côtés une véritable terreur. Le général Papoulas, destitué de son commandement du 5e corps et revenu à Athènes, dirigeait cette bruyante opposition, dans laquelle il était difficile de distinguer la part de la peur, celle de la mauvaise foi, du bluff et de la fierté nationale. Le bruit courait que le commandant en chef de l’escadre alliée allait faire débarquer les marins le lendemain au petit jour, rumeur inventée à plaisir, car le gouvernement, qui avait reçu à midi, une note de l’amiral, savait fort bien qu’il ne serait pas question de mesures coercitives avant le 1er décembre. Mais ces rumeurs avaient pour effet d’énerver, d’exaspérer la population, et surtout les troupes, et permettraient de déclarer le lendemain que les Français, intimidés par la fière attitude des Hellènes, avaient renoncé à débarquer.

Assurément, le Roi était débordé. N’empêche qu’une proclamation de lui, prêchant le calme, aurait produit les plus heureux effets, mais il se taisait, bien qu’il n’ignorât pas que beaucoup d’opposants, qui redoutaient les effets de leur résistance, seraient enchantés de pouvoir se soustraire à l’influence des énergumènes et de les priver de leur principal point, d’appui.

La note de l’amiral parut le soir dans les journaux ; elle éclairait la situation et offrait à ces modérés l’occasion de se résigner à une retraite honorable. Mais les énergumènes n’en continuaient pas moins à s’agiter.

A la même date, le Grec Kyprios, représentant des Affaires étrangères près le contrôle de la Police, vint voir l’attaché naval