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CRÉPUSCULE


Un peu de fièvre au bout des doigts,
Le creux des deux paumes sensible ;
Dehors, sous des nuages froids,
Un oiseau qui chante invisible ;

Un oiseau qui chante, anxieux
De voir le cher printemps renaître,
Et qui croit de son chant, peut-être,
Le hâter à travers les cieux ;

Un peu de fièvre, un peu d’angoisse
Pour quelque chose d’approchant
Comme Avril approche, au couchant,
Dans l’air qu’un vent plus tiède froisse ;

Un ardent, un avide ennui,
L’âme en attente, comme blanche…
Ah ! je sais bien que c’est dimanche !
Pourtant, qu’ai-je donc aujourd’hui ?

Oui, le printemps est près de naître,
Et c’est dimanche en Février ;
Et j’attends devant la fenêtre
Son premier ciel qui va briller ;

Mais c’est encor bien autre chose
Que le jour et que la saison ;
Cela vient de tout l’horizon,
De tout le ciel gris et morose ;

Cela vient du profond de moi
Qui rêve penché sur ma table…
C’est le grand mal inévitable,
C’est l’éternel et l’humble émoi