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Toi par qui sortent les charmes
Cachés au profond du sol,
O rossignol, rossignol,
Ta voix me fait fondre en larmes !

Mieux qu’au pin ou qu’au rosier,
C’est à moi qu’elle s’adresse,
Et c’est toute ma jeunesse
Qui chante dans ton gosier !

Je revis les nuits sans nombre
Où nous t’écoutions à deux,
Sous de hauts murs ruineux,
Près d’un grand parc tiède et sombre !

La fièvre de nos vingt ans
Battait dans nos gorges sèches.
Tes traits vifs comme des flèches
S’enfonçaient dans le printemps.

Devinés sous la nuit noire
A leurs humides lueurs,
Ses cils vifs tremblaient de pleurs
Que mes lèvres venaient boire…

O vertige ! ô nouveauté
Du monde plein de mystère !
Jamais avant nous sur terre
Un oiseau n’avait chanté !


ALLÉE


L’allée aux grands pins droits tels que des tuyaux d’orgue
Que le vent fait chanter,
Coin d’Elysée, Éden grave et noble sans morgue
Qu’il t’est deux de hanter,

Tu la suis lentement, seul, roulant trop de choses
Dans ton triste cerveau,
Plus fleuri de soucis remontants que de roses
N’est cet été nouveau.