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C’est une multiplication merveilleuse. Nous allons retrouver plusieurs de ces enfants dans la vie : Sibylle Merlo, les deux sœurs Clara et Netta Fey, les deux sœurs Claire et Françoise Schervier, qui toutes cinq fonderont plus tard des congrégations religieuses, et puis Anna de Lommessen qui entrera dans l’ordre du Sacré-Cœur et se retirera en France. Un petit monde, où il y a l’esprit de la France, et encore du sang de France. Les deux jeunes demoiselles Schervier sont des demi-Françaises, par leur mère, une demoiselle Migeon, dont le père possédait une fabrique d’épingles à Charleville. Françoise, la cadette, écrit dans ses Mémoires : « Elevées à la manière française, nous ne pouvions, ma sœur et moi, sortir que très rarement, si ce n’est pour aller à l’église ou à l’école, et toujours accompagnées de nos parents ou d’une gouvernante wallonne. Même la fréquentation de nos amies ne nous fut permise que sous l’œil de nos parents. Notre mère, comme notre gouvernante, ne connaissait pas un mot d’allemand et ne nous parlait qu’en français. Lorsqu’elles voulaient s’adresser aux domestiques allemands, c’était moi qui servais d’interprète… »

Toutes ces jeunes filles, dans ce passé déjà recouvert d’obscurité, brillent comme des étincelles de la vie française. Ce n’est pas assez de les nommer ; il y aurait bien des traits à recueillir autour d’elles, et c’est une tâche qui pourrait tenter un jeune historien du Rhin. On voudrait se tenir avec ces jeunes filles dans leur pensionnat et s’assurer des confidences qui doivent encore demeurer dans leur famille. On voudrait surtout les suivre dans leurs actions qui respirent la piété et la simplicité, et voir comment cette éducation, au bout de peu d’années, donna des fruits dans le pays. À Saint-Léonard on apprenait le secret venu de Trêves, le secret des religieuses françaises.

Un des premiers effets de cette éducation fut l’éclosion de petites confréries, toutes pareilles à des ordres religieux, où les jeunes dames rhénanes répétaient les exemples des sœurs de Saint-Charles. En voici de tous côtés, à Cologne, à Trêves, à Aix-la-Chapelle. Quel charmant roman que celui de Sibylle Merlo, quand, à peine sortie de l’institution Saint-Léonard et rentrée dans sa maison de famille, à Cologne, elle y appelle une de ses institutrices de la veille, Louise Hensel, et, ainsi aidée, constitue avec ses parents et ses amis un petit groupe charitable ! On se réunit chaque vendredi, tantôt chez l’une,