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L’imagination déréglée des converties prussiennes sera-t-elle plus forte que la belle discipline charitable, transmise par nos fonctionnaires impériaux et nos ordres religieux à la bourgeoisie rhénane ? C’est la question profonde. Et ce drame intérieur des associations charitables du Rhin est dénoncé, pour qui sait lire, dans le livre de Clément Brentano.

Brentano admire ce qui se passe en France, où « les religieuses ont apporté leur aide aux associations de dames. » Il a bien vu le grand écueil des institutions indépendantes, c’est à savoir le manque d’esprit de suite et la dispersion des bonnes volontés. Rien de plus facile que d’avoir une bonne idée, rien de plus difficile que de la réaliser et de s’y tenir. Brentano comprend la nécessité d’appuyer les volontaires sur des régulières. « L’activité des sœurs de Saint-Charles, dit-il, n’est pas la manifestation d’un bel enthousiasme, d’un admirable amour de son prochain, mais l’exercice réfléchi et raisonné d’une véritable profession religieuse, dont l’Eglise a dicté les règles. » Il signale avec force dans les congrégations religieuses « une discipline à la fois professionnelle et sentimentale. »

Obtenir la collaboration des religieuses françaises, c’est posséder la méthode, l’appui du ciel : c’est réussir à coup sûr. Une belle chose et bien honorable pour cet honnête Clément Brentano, en même temps que pour notre nation, de voir comment cet ennemi de la France analyse le caractère particulier de nos congrégations charitables. « Les congrégations charitables sont l’œuvre de l’Eglise française, l’œuvre de prêtres remplis de sainteté et de personnes pieuses. Les uns et les autres ont formé le fondement sur lequel elles ont été construites. Ils les soutiennent, ils les dirigent, ils les aident. La France peut revendiquer ces congrégations comme son bien propre… » Et le voilà qui s’écrie : « On a l’habitude dans beaucoup de pays de décrier la France. On se plaît à acheter à prix d’or tout ce qu’elle peut offrir de pernicieux dans ses idées, ses coutumes et ses modes ; oh laisse de côté, d’un esprit léger, tout l’immense trésor des grandes et saintes choses que son cœur contient… »

La Rhénanie n’est pas tombée dans cette erreur. Elle sait comprendre la France. Une preuve entre autres, c’est qu’il est extrêmement difficile d’introduire les ordres religieux français dans un pays étranger sans les dénaturer, et que l’essai a réussi sut la rive gauche du Rhin. Il y a entre la France et la