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diffusion des titres au porteur ont multiplié les financiers, les banquiers et les riches. Dès 1846, Toussenel publie son livre : Histoire de la féodalité financière. La construction des chemins de fer met en mouvement des capitaux considérables, les emprunts se multiplient, le télégraphe électrique, le gaz d’éclairage annoncent un monde nouveau. Les mines de fer et de charbon prennent une activité jusqu’alors inconnue. L’exposition de 1855 témoigne de cette prospérité. Les travaux de Paris commencent ; l’exécution du plan Haussman nécessite des expropriations qui créent des fortunes soudaines. La découverte des mines d’or de Californie surexcite les imaginations.

« De là l’apparence de la richesse elle-même, qui ne se développe tout à fait qu’un peu plus tard ; de là des dépenses bruyantes à la suite de bénéfices inespérés. Les femmes elles-mêmes subirent l’entraînement commun… on en vit qui volèrent leurs maris afin de participer aux opérations de Bourse. Beaucoup d’hommes en crédit trafiquèrent de leur influence[1]. » Il se produisit dans la société une sorte d’affolement. Le luxe s’étala partout, et jusque dans la classe moyenne. Les questions de toilette prirent une importance extrême. Dans un bal, une plaisanterie sur une robe amène une suite de duels. Le Moiteur du 31 janvier 1854 écrit gravement : « La dépense d’un grand bal retombe comme une pluie d’or sur toutes les industries »… Une rivalité de splendeurs s’était établie entre les fêtes du Ministère des Affaires étrangères et celles des Tuileries[2].

On chercha des ressources dans la spéculation. Le Duc d’Orléans écrit dans une lettre, en parlant des financiers : « Ils ne voient dans la France qu’une ferme ou une maison de commerce, » et Metternich, dans ses Mémoires : « Je ne doute pas que vous ne tourniez vos regards vers la fièvre de spéculation qui envahit la France. »

Les financiers rêvaient en un mot de pousser la fortune jusqu’au point fabuleux où elle deviendrait de la gloire[3]. » Pour assurer le succès des émissions, on eut besoin de la publicité. Elle se glissa d’abord dans la presse, sous forme d’annonces qui, bientôt, changeant de forme, gagnèrent jusqu’à la première page.

  1. Pierre de la Gorce, Histoire du Second Empire.
  2. Comte de Beaumont-Vassy, Histoire intime du Second Empire.
  3. P. de la Gorce, Op. cit.