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POIRIER. — Ah ! Quelle bonne idée ! Qu’Antoinette va être contente ! Ah ! scélérat ! Nous voilà débarrassés de toi pour cinq ans ! Merci, mes bons amis, merci.
COGNE à SALOMOV. — Qu’est-ce qu’il dit donc ?
POIRIER. — Ah ! tu veux me faire dîner à la cuisine ! A Clichy ! monstre, à Clichy !
SALOMON. — Mais vous n’y songez pas, M. Poirier ?
POIRIER. — Vous voulez dire que je n’y avais pas songé… Faut-il que je sois bête ! Oh ! ma pauvre fille ! Tu vas donc vivre tranquille.
CHAVASSUS. — Voyons, M. Poirier, votre gendre n’est pas si noir que vous le faites. Il s’amendera : Il faut bien que jeunesse se passe…
POIRIER. — Oui, oui… Elle se passera à Clichy.
SALOMON. — Je le connais… Ce n’est qu’un étourdi.
POIRIER. — Clichy lui mettra du plomb dans la tête.
COGNE. — Le cœur est bon si l’écorce est dure…
POIRIER. — Clichy l’amollira.
CHAVASSUS. — Comment ! Vous auriez la cruauté de laisser mettre sous les verrous un si charmant garçon ?… Car il est charmant.
COGNE et SALOMON. — Charmant ! Charmant ! (Poirier hausse les épaules).
CHAVASSUS. — Tenez, M. Poirier, nous ne sommes pas des Arabes, vous avez bien assez de chagrin comme ça. Nous acceptons 70 p. 100.
POIRIER. — Je les donnerais pour me débarrasser de mon gendre.
SALOMON. — Voyons, 60 p. 100 et n’en parlons plus.
POIRIER. — Vous ne voyez donc pas que je l’exècre, cet homme-là, que je veux me venger de lui ? Vous pourrirez en prison, M. le Marquis !
COGNE. — Cinquante pour cent.
POIRIER. — Pas un sou.
SALOMON. — Mais M. Poirier, vous êtes un honnête négociant, vous ne voudriez pas priver de bonnes gens comme nous de leur dû, car nous avons véritablement fourni en espèces, en écus sonnants, 50 p. 100 des billets.
POIRIER. — Tant pis pour vous !
CHAVASSUS. — Vous êtes père, M. Poirier ? Pensez à mes enfants ! J’en ai beaucoup.
POIRIER. — Ce n’est pas moi qui les ai faits.


IV

À cette époque, la France assiste à l’avènement d’une puissance nouvelle : l’Argent.

La création de l’industrie, le développement du crédit, la