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l’indépendance. Vous êtes donc mal venus à vous targuer aujourd’hui d’avoir été des auxiliaires de l’Entente. Pour nous, vous ne pouvez être que d’anciens ennemis. » Les Croates et Slovènes répondent aux italiens : « Nous aurions été bien naïfs de nous en remettre à votre générosité. Car c’est à cela que serait revenue, en la supposant possible, la désertion en masse de nos soldats dans votre camp. N’éleviez-vous pas des prétentions sur une partie de notre pays ? Ne refusiez-vous pas de renoncer à vos ambitions ? Ne vous opposiez-vous pas à notre unité nationale et politique ? Si vous vouliez que nous cessions de vous tirer dessus de bon cœur, il fallait commencer par abandonner vos projets de conquête à nos dépens et votre arrière-pensée de maintenir séparés les tronçons de notre race. »

Il ne s’agit pas ici de juger, mais de constater. Les Croates et Slovènes se sont comportés, sur le front italien[1], contre l’armée italienne et, le cas échéant, contre les contingents anglais et français, en soldats fidèles de l’Autriche-Hongrie. Il en a été ainsi jusqu’au lendemain de la bataille de Vittorio de Veneto, quand les proclamations d’indépendance de tous les peuples de la monarchie ont dissous l’armée austro-hongroise. De mai à la fin d’octobre 1918, les désertions de soldats yougoslaves sur le front italien n’ont jamais atteint des proportions considérables[2]. On cite bien, en revanche, une mutinerie des équipages dalmates de la flotte austro-hongroise à Pola ; la reddition aux Italiens de deux torpilleurs autrichiens ; celle d’un aviateur, venu annoncer en Italie la mutinerie de l’escadre ennemie. Malheureusement, au moment où ces événements se produisaient, l’attention était, à tort ou à raison, plus tournée Vers les armées que vers les flottes ; et, dans l’armée austro-hongroise, les soldats yougo-slaves ne suivaient pas l’exemple des matelots de Pola.

D’autre part, il est de fait que le gouvernement italien n’a donné aux Yougo-Slaves aucun apaisement sur ses projets

  1. Sur le front italien, car sur le front russe, les Yougo-SIaves se sont volontairement constitués prisonniers en nombre considérable ; parmi ces prisonniers, on a pu enrôler des volontaires pour constituer plusieurs divisions qui ont combattu dans les rangs de l’armée russe ou même plus tard à Salonique dans les rangs de l’armée serbe.
  2. Malgré la propagande menée, au moyen de manifestes, par une commission mixte instituée auprès du Comando Supremo et comprenant des représentants croates et yougo-slaves.