Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

invoquer auprès du Président la Convention de Londres, mais bien de lui indiquer ce qu’il jugeait nécessaire à la sécurité de son pays ou justifié par des considérations de nationalité. Ce conseil est suivi par MM. Orlando et Sonnino, lorsqu’ils rendent visite à M. Wilson à Paris. Le ministre des Affaires Etrangères lui expose les buts de guerre de l’Italie, sans faire mention de la Convention de Londres. Le président du Conseil insiste spécialement sur la sauvegarde de l’italianité dans les contrées d’outre-Adriatique. M. Wilson admet la justification de la frontière du Brenner, celle de l’annexion de l’Istrie occidentale. Pour le reste, il exprime l’avis que le Royaume pourra assurer sa sécurité par des neutralisations et recourir à la Société des Nations pour préserver les centres d’italianité. Sa confiance dans la Société des Nations, dont il lance alors l’idée, est extrême. La perspective de rapporter à leurs compatriotes cette panacée, ce deus ex machina, comme solution de quelques-uns des plus passionnants problèmes de la question adriatique, sourit médiocrement à MM. Orlando et Sonnino. Mais ils pressentent dès lors que le Président des États-Unis a des vues arrêtées sur cette question et, peut-être, des engagements pris.

Sous l’influence du même pressentiment, et plus encore de tendances ou de convictions personnelles, certains hommes politiques italiens se reprennent alors à pencher vers la politique du pacte de Rome. Opter pour elle, c’était prendre le contre-pied de la majorité, plus impérieuse que jamais dans ses exigences. Peu nombreux étaient ceux qui pouvaient se permettre l’audace de heurter de front l’opinion publique. M. Bissolati eut cette audace. S’étant séparé du Cabinet, il prononce à Milan un discours, où il préconise la renonciation à la Dalmatie, à l’Istrie orientale, un régime spécial pour Fiume et pour Zara : il est hué et traité d’anti-patriote. La Dalmatie de la Convention de Londres, plus Fiume, en toute souveraineté, est le seul programme qu’il soit alors possible de soutenir en Italie, sous peine d’ostracisme.

Cependant M. Wilson est venu à Rome, au, début de janvier 1919. Il a été acclamé à tout rompre, ainsi qu’à Milan, Turin, Gênes. Mais il n’a pas eu de conversation concluante avec les ministres du Roi. Le seul homme politique qu’il ait fait mander au Quirinal, pour s’entretenir avec lui, a précisément été M. Bissolati ; et le choix a, à juste titre, paru