Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui l’on en avait. Des dépêches Havas et Reuter avaient nettement dégagé la responsabilité de M. Clemenceau et de M. Lloyd George de l’initiative personnelle de M. Wilson. Elles avaient détourné de nous-mêmes et des Anglais les éclaboussures du ressentiment contre les Américains. Le Gouvernement italien, soucieux de se ménager notre appui, s’employait à nous en préserver. Des instructions réitérées du Ministère de l’Intérieur prescrivaient aux journalistes de ne pas épancher sur nous leur bile. Le syndic de Rome, adressant une proclamation à la population, mettait France et Angleterre hors de cause et exprimait la confiance que l’Italie trouverait ses alliés à ses côtés. Malheureusement, « à ses côtés, » dans l’état d’esprit où était le peuple italien, signifiait fatalement contre l’Amérique : et de la sorte la crise des rapports italo-américains allait dégénérer en crise des rapports franco-anglo-italiens. Toujours est-il que l’opinion nous faisait crédit, et plaçait en nous, plus encore que dans l’Angleterre, tout son espoir imprécis.

Après la consultation bruyante de la rue se prépare celle du Parlement, convoqué pour le 29 avril. Une commission de sénateurs e.t de députés est nommée pour régler le programme de la séance et arrêter les termes de l’ordre du jour à voter. Un des doyens de la Chambre, M. Luzzatti, est choisi pour présider cette commission, prendre la parole et développer l’ordre du jour. Sans faire taire la rancœur ni porter aux renonciations, le sens des responsabilités garde en effet la représentation nationale des entraînements de la foule. Et il en est de même dans le Gouvernement. Une active campagne se faisait dans certains milieux pour qu’un décret proclamât l’annexion de Fiume et de la Dalmatie : pas la moindre tendance à y céder. Nullement enivré par les acclamations qui ont salué son retour, M. Orlando reste conscient de la gravité de sa situation et désire ardemment en sortir. Il se dit prêt à rentrer à Paris pour traiter sur la base de la Convention de Londres, si ses alliés y sont disposés ; prêt surtout à chercher une transaction qui puisse recueillir l’approbation des grandes Puissances. Il a souci de réserver aux Alliés les moyens de l’aider à se tirer d’embarras ; il se préoccupe d’éviter, dans ses déclarations à la Chambre, ce qui pourrait leur aliéner l’opinion publique italienne. Ainsi, M. Clemenceau et M. Lloyd George lui ont remis, le jour de son départ de Paris, une note définissant leur point de vue, en, l’autorisant à en donner lecture