Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Rivière le regarda avec angoisse :

— Seriez-vous donc d’accord avec la famille pour penser, qu’en face des nouvelles propositions qui lui sont faites, il est presque impossible à Mme  Olenska de ne pas retourner chez son mari ?

— Que voulez-vous dire ? s’écria Archer.

— Avant de voir Mme  Olenska, avant d’aller à Boston, j’ai eu, — sur la demande du comte Olenski, — plusieurs entretiens avec Mr Lovell Mingott. Je crois comprendre qu’il représente l’opinion de sa mère, et que Mrs Manson Mingott exerce une grande influence sur sa famille.

Archer se taisait, dans la stupeur de découvrir que de telles négociations avaient eu lieu sans qu’il en eût seulement été averti. Il comprit que la famille avait cessé de le consulter, avertie par quelque profond instinct de clan qu’il ne la suivrait plus. Il se rappela la remarque de May, le soir de la fête du tir à l’arc : « Peut-être, après tout, Ellen serait-elle plus heureuse avec son mari. » Il se souvint de sa riposte indignée. Il se rendit compte aussi que, depuis lors, sa femme n’avait plus prononcé devant lui le nom de Mme  Olenska. L’allusion de May n’avait été sans doute que le brin de paille levé pour voir d’où vient le vent. Le résultat avait été communiqué à la famille, et Archer tacitement exclu de leurs conseils. Il admirait la discipline de tribu qui soumettait May à cette décision. Elle trouvait probablement, avec sa famille, que Mme  Olenska aurait une meilleure situation comme femme malheureuse que comme femme séparée, et qu’il était inutile de discuter le cas avec Newland, qui mettait parfois en doute les vérités les plus évidentes.

— Est-il possible, reprit M. Rivière, que vous ne sachiez pas que la famille se demande si elle a le droit de conseiller à la comtesse Olenska le refus des dernières propositions de son mari ?

— Celles que vous avez apportées ?

— Celles que j’ai apportées.

Archer fut sur le point de répondre que ce qu’il pouvait savoir ou ne pas savoir ne regardait en rien M. Rivière ; mais l’attitude du jeune homme lui en imposait, et il répondit à la question par une autre.

— Quel est votre but en venant me parler de tout ceci ?