Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La réponse ne se fit pas attendre.

— Je viens vous prier, monsieur, vous prier avec toute la force dont je suis capable, de ne pas laisser la comtesse Olenska retourner auprès de son mari.

Archer le regarda avec un étonnement croissant.

— Puis-je vous demander, dit-il enfin, si c’est dans ce sens que vous avez parlé à Mme  Olenska ?

M. Rivière rougit, mais ses yeux ne se baissèrent point.

— J’ai accepté ma mission de bonne foi. Je croyais vraiment, pour des raisons dont il est inutile que je vous importune, qu’il valait mieux pour Mme  Olenska retrouver la situation, la fortune et les conditions sociales que la position de son mari lui assure.

— Évidemment ; sinon, vous auriez difficilement accepté une pareille mission.

— Je ne l’aurais pas acceptée.

— Alors ?

Durant un silence, leurs regards se croisèrent, cherchant à se pénétrer.

— Ah ! monsieur, après l’avoir vue, après l’avoir écoutée, j’ai compris qu’elle était mieux ici. J’ai rempli ma mission loyalement. J’ai développé les arguments du comte. J’ai communiqué ses offres, sans y ajouter aucun commentaire personnel. La comtesse a bien voulu m’écouter patiemment ; elle a poussé la bonté jusqu’à me recevoir deux fois ; elle a étudié impartialement tout ce que j’étais venu lui dire. Et c’est au cours de ces deux conversations que j’ai changé d’avis, et que les choses me sont apparues sous un autre jour.

— Puis-je vous demander à quoi est dû ce revirement ?

— Au changement que j’ai constaté en elle.

— Vous connaissiez donc déjà la comtesse ?

Le visage du jeune homme se colora à nouveau.

— Je la voyais chez son mari. Je connais le comte Olenski depuis plusieurs années. Vous comprenez qu’il n’aurait pu charger un étranger d’une pareille mission.

— Et de quel genre est ce changement que vous avez constaté ?

— Cela est difficile à expliquer… Après tout, ce n’est peut-être pas elle qui a changé, c’est moi qui me suis rendu compte pour la première fois, en la voyant dans son pays, qu’elle est